Depuis plus de 40 ans, une Australienne d’origine hongroise, Juno Gemes, a braqué son regard avisé sur le paysage politique de son pays d’adoption. The Quiet Activist (L’Activiste Silencieuse) – A Survey Exhibition 1979 – 2019 offre aux visiteurs un aperçu unique de l’origine des relations de Gemes avec la photographie et de sa capacité à innover en permanence.
The Quiet Activist présente neuf corpus de travail, dont la majorité traite de la lutte des peuples Aborigènes pour être vus et entendus. Les œuvres présentées révèlent qu’elle est toujours attentive à raconter l’histoire de l’Australie indigène, documentant les luttes et les victoires d’un peuple dont l’histoire a été largement ignorée.
La série Proof: Portraits du Mouvement 1978-2003, de renommée internationale, occupe une place centrale dans l’exposition. L’essai comprend des portraits d’Aborigènes extraordinaires; des universitaires, des militants politiques, des artistes, des poètes et des danseurs. Les images de Gemes dans «The Apology», où, en 2008, le Premier ministre Kevin Rudd avait présenté ses excuses aux familles Aborigènes victimes des Stolen Generations, sont significatives et profondes. Il y a aussi des photographies qui parlent à l’ordinaire et au quotidien, des images qui sont parsemées de joie et d’humour; des images qui rappellent une humanité partagée.
Mais cette exposition n’est pas plus unidimensionnelle que Gemes elle-même. The Quiet Activist comprend de grande tirages de sa série conceptuelle Terra Ancien / Terra Nova (2003-2007) ainsi que des photographies et une vidéo de son dernier ouvrage, Love Cancer. Elle présente également son magnifique commentaire lyrique sur la vie sur la rivière Hawkesbury dans la région de New South Wales (Australie), The Language of Oysters est aussi présenté.
Gemes a commencé son voyage photographique inspirée par le livre Nothing Personal de James Baldwin et Richard Avedon, offert par sa mère en 1964, un livre qui a changé sa vision du monde. Des années plus tard, une rencontre fortuite à Londres a conduit à une séance photo avec Baldwin sur le toit d’un hôtel. Dans les vitrines de l’exposition, des souvenirs jamais vus, notamment des extraits de cette séance de portrait impromptue.
À la fin des années 1970, Gemes travailla sur le film Uluru dans le department de la recherche. Cette expérience, dit-elle, changea profondément sa façon de voir les habitants originels de l’Australie. «Ce fut la courbe d’apprentissage la plus abrupte de ma vie.» En ce qui concerne sa pratique photographique, elle a également compris que la photographie allait devenir le moyen de «percer» ce qu’elle considérait comme «cette barrière de l’invisibilité».
Dès le début, Gemes savait que raconter l’histoire de l’Australie Aborigène exigerait du respect, de la patience et de la collaboration. Elle a travaillé et affiné sa documentation visuelle des communautés autochtones en s’enveloppant dans un cocon d’apprentissage, en passant du temps à écouter bien avant de prendre son appareil photo. Son approche n’a pas seulement abouti à un document vu de l’intérieur. Cela lui a également permis de forger des relations durables. Les luttes pour la reconnaissance et le respect sont devenues profondément personnelles. Ses photographies sont vivantes de la passion de la protestation, du chagrin de la défaite et sont alimentées par une détermination infatigable.
Il serait faux de supposer que le travail de Gemes ne concerne que le militantisme, bien que toutes ses images soient conçues pour évoquer une réflexion sur des thèmes sociétaux plus vastes. Terra Ancien / Terra Nova (2003-2007) comprend des tableaux très stylisés. La série présente un récit fictif de la colonisation blanche en Australie. Racontées du point de vue d’un jeune couple anglais, les images invitent le public à imaginer comment ces étrangers ont survécu dans les nouveaux territoires. Son plus récent projet, Love Cancer, est une œuvre multimédia collaborative associant performance et photographie. Gemes a travaillé avec le danseur et universitaire Aku Kadogo, originaire de Détroit, qui se produit dans des décors de brousse photographiés par Gemes. Sur ces photographies, des lames de pathologie de cellules cancéreuses réelles ont été superposées. C’est un travail passionnant sur le plan visuel, un travail stimulant et un brillant accompagnement d’images documentaires de Gemes.
The Quiet Activist montre un esprit d’artiste où passion, intelligence et curiosité lui ont permis de se déplacer latéralement tout au long de son impressionnante carrière. L’évolution constante de sa pratique est évidente dans les tirages, les vidéos et les souvenirs présentés. À 75 ans, Gemes reste engagée, repoussant les limites de la créativité pour trouver de nouvelles façons de raconter des récits visuels qui contribuent au changement social.
Alison Stieven-Taylor
Juno Gemes: The Quiet Activist – A Survey Exhibition 1979 – 2019
Fait partie du festival Head On Photo
Commissaire: Rhonda Davis et Kate Hargraves
Macquarie University Gallery jusqu’au 28 juin