Le temps s’arrête pour la plupart d’entre nous. C’est une période sensible, nous nous sentons tous vulnérables et anxieux. Au cours des jours qui ont précédé la pandémie, j’étais très occupé à planifier une séance photo avec une grosse équipe, assistants, stylistes, équipe de coiffeurs et de maquilleurs, stylistes, décorateurs, etc., et j’avais aligné quelques commandes, tout à coup tout s’est arrêté. Les missions ont été annulées et j’ai dû reporter mon projet deux jours avant le tournage car le risque semblait trop grand.
Je me sentais engourdie mais je savais que je ne pouvais pas rester debout et ne rien faire, j’ai décidé de documenter l’existence d’aujourd’hui telle qu’elle est vécue par beaucoup de gens. J’ai choisi de les prendre en photos dans leur isolement verrouillé, effectivement emprisonnés derrière les fenêtres de leurs maisons donnant sur un autre monde désolé. J’ai fait connaître mon idée via les médias sociaux et la presse locale dans ma région natale de l’ouest de Londres. La réponse a été énorme. J’ai même reçu des réponses de personnes vivant en dehors de Londres exprimant leur intérêt à participer. Au cours des dernières semaines, tous les trois jours environ, j’ai photographié des gens de ma région en auto-isolement à la maison. Les gens participent avec tant d’enthousiasme que j’ai l’impression de leur donner quelque chose à espérer et de briser la monotonie de leur existence actuelle.
Une fois que quelqu’un exprime son intérêt à participer, nous prenons contact par e-mail et par téléphone pour discuter des détails et des idées de vêtements ainsi que pour fixer une date et une heure pour l’installation. Je travaille le soir pour avoir une sensation crépusculaire, les jeudis sont spéciaux car je peux me joindre à eux dans notre hommage pour applaudir notre précieuse NHS. Je fais un tour de reconnaissance autour de leur maison plus tôt dans la journée pour avoir une idée du cadre, des angles, etc. Je limite les voyages et le temps pour respecter les directives du gouvernement. Aucun contact physique n’est établi. Ils se tiennent à leurs fenêtres et nous communiquons par la fenêtre avec des signaux manuels ou par téléphone. Tout est discuté avant le tournage; le type de masques et de garde-robe pouvant aller de la chemise de nuit à la robe funky ou formelle portée spécialement pour la séance photo. Finn, mon fils de douze ans, m’aide à porter l’éclairage. Nous l’installons et quelques poses plus tard, la séance est terminé. J’interroge également chaque personne que je photographie de manière informelle.
Ce n’est peut-être qu’un mini-projet mais à mes yeux il est très important pour la postérité. Cela aide à me garder saine d’esprit en ces temps exceptionnels et inquiétants. En même temps, je trouve cela extrêmement gratifiant. J’apprécie de rencontrer des gens que je n’aurais sans doute jamais rencontrés auparavant. Ils couvrent tout l’éventail de la société et des professions ce qui, en soi, m’a fasciné. Je suis également en train de réapprendre à prendre des photos de manière plus simple sans une grande équipe! Je n’ai pas encore décidé de ce que je ferais des images obtenues, mais quoi qu’il en soit, cela fournira un aperçu intime de la vie de tous ceux qui auront participé pendant cette période macabre.
Julia Fullerton-Batten
