Ecrit par Andy Romanoff
Cela a commencé par un email un matin. Le lien qui y figurait conduisait au travail de cent cinquante photographes. J’avais 1500 images à juger pour Focus Photo, une merde d’une tonne pour chercher à bien faire les choses. Il ne serait pas facile de garder tout cela dans ma tête, de me rappeler pourquoi je prenais les décisions que je prenais. Pour m’aider dans mon travail, j’ai pris des notes pour garder mes priorités, et ces notes sont devenues cette histoire. Alors voici comment j’ai jugé Focus Photo L.A.
Pour commencer, la cohérence. Pour entrer dans le second tour, votre travail en tant que sujet devait avoir reçu un score suffisamment élevé pour vous permettre d’avancer. Un dix et trois cinq vous donne vingt-cinq points, quatre sept vous amènent à vingt-huit, compris? Je recherchais donc un corpus qui allait dans la même direction, avec la même intention et les mêmes compétences démontrées à chaque fois. Une bonne photo offerte par la chance peut vivre éternellement, mais elle ne fait pas de vous un excellent photographe. Montrez-moi que vous aviez le même but pour toutes les photos afin que je puisse voir à quel point vous vous en êtes approché.
Deuxièmement, le savoir faire. Je ne regarde pas dans le vide. Vous êtes confronté à cent cinquante autres photographes. Beaucoup ont passé des années à se perfectionner, apprenant à guider le regard des spectateurs là où ils le souhaitaient, à apprendre à faire des images qui ne sortent pas d’un téléphone. Quand je regarde votre travail, je pense aussi au leur. Peut-être avez-vous besoin de plus de temps pour travailler votre pratique, peut-être de regarder le travail des autres, dans les galeries, les musées ou les livres. La bonne nouvelle est que c’est la partie qui peut être apprise.
Contenu. De quoi faites-vous des photos? Je crois comprendre que vous avez probablement fait vos photos dans le cadre de votre voyage et que, dans un certain sens, vous deviez le faire. Mais après les avoir faites, elles sont maintenant examinées par d’autres. Quel est l’impact de vos images sur les autres? À certains égards, cela peut être la partie la plus difficile à controler. Ce n’est pas facile d’aller au delà de son travail, c’est en fait très difficile. Mais à moins que vous ne soyez extrêmement impassible, il est nécessaire de montrer votre travail à d’autres, puis d’écouter attentivement leurs réactions. Plus vous vous sentez sur la défensive, plus il est temps de faire attention. Si vous êtes assez chanceux pour que quelqu’un vous dise pourquoi ils ne sont pas tombés amoureux de votre travail, prenez leurs mots dans votre cœur et voyez ce que vous pouvez apprendre d’eux.
Qu’el est sa place dans le monde? Quand je regarde vos photos, je me demande « Est-ce que je l’accrocherai sur mon mur »? « Est-ce que je regarderais ça dans un magazine ou en ligne »? « Puis-je imaginer cela dans un musée »? Si la réponse est non, je vais avoir du mal à donner les meilleures notes. Les images n’existent pas en vase clos, elles vivent dans le monde, dans un endroit spécifique du monde. Si elles vivent principalement dans votre tête, cela ne les rend pas moins précieuxes, mais le public est restreint. La prochaine fois que vous effectuez des sélections, demandez-vous où verrais je cette photo si quelqu’un d’autre l’avait faite?. Parcourez les pages d’un magazine que vous aimez ou de votre site Web de photographie favori et voyez si vous pouvez imaginer votre photo parmi les autres.
Fais-moi sentir quelque chose bon sang! Si vous voulez arriver à dix, stimulez mes émotions. C’est moi maintenant, pas tout le monde, mais si vous voulez obtenir mes meilleurs scores, votre image devra se connecter à la fois à mon intellect et à mes émotions. L’intellect est plus facile je pense. La photo bien faite, l’utilisation de la lumière, l’organisation des éléments, je vois et je la respecte et je vous donne des points pour cela. Cette chose qui suscite des émotions, ce n’est pas si facile à faire entrer dans votre image, je le sais bien. Néanmoins, les images dont nous nous souvenons collectivement et que nous applaudissons, ont quelque chose qui provoque une réponse viscérale chez les autres. Que je cherche dans mon propre travail et dans le travail des autres. Ce n’est pas facile à trouver et il est facile de confondre votre propre réaction émotionnelle avec une image que vous avez faite avec les sentiments des autres, mais si je donne un dix à une image, vous pouvez être sûr que j’ai été secoué.
J’ai déjà donné. Pas moi mais les autres. Si vous travaillez dans un genre, sachez que vous serez jugé celon ce qui a été fait avant vous . On ne peut pas l’empêcher…
Voici ce sur quoi je n’ai pas jugé; les catégories. Architectural, Street, Landscape, Portrait, ce n’est pas l’objet de ce concours. Je ne les ai pas non plus jugés dans le contexte de toute l’histoire de la photographie qui a précédé. Ce n’est pas ce que nous jugeons ici, mais seulement les meilleures soumissions de cette année. J’ai donc voté pour les photos que je pensais être les meilleures et les plus récentes, quelle que soit leur catégorie. Celles qui m’ ont étonné, ou amusé, ou ont réveillé quelque chose en moi.
J’ai des préjugés, je ne peux pas m’en empêcher. Je regarde et je fais des photos depuis soixante ans. Je fais de mon mieux pour apprécier un travail différent du mien et la bonne nouvelle est que j’aime un large éventail de styles et de sujets. Néanmoins, je suis certain d’avoir raté quelque chose pendant que j’examinais les images et si c’était votre travail, je suis désolé. C’est pourquoi la compétition comptait trois juges. Il y avait donc suffisamment d’yeux et d’opinions pour que chaque image soit vue sous plusieurs angles.
Et comme preuve que le système fonctionne, voici une histoire sur la façon dont les choses se sont passées. Lors de la première ronde de jugement, les trois juges ont examiné le travail des 150 photographes. Pour chacun d’entre eux, nous avons selectionné dix images, en attribuant à chaque image un score de un à dix. J’ai passé plusieurs jours sur cette partie, effectuant un premier passage, puis un second, après avoir eu meilleure connaissance du projet, puis une troisième fois quelques jours plus tard pour voir si mes sentiments avaient changé. Lorsque tout fut terminé, j’envoyai mes résultats et les autres juges le firent aussi. Ensuite, les résultats des trois juges ont été compilés pour choisir les vingt demi-finalistes parmi lesquels nous jugerions les meilleurs. A mon grand étonnement, les autres juges ne sont pas totalement d’accord avec moi !!! Bien que nous nous soyons d’accord sur de nombreux choix, ils ont choisis des photos que j’avais mis de coté et abandonnés quelques-unes de mes photos préférées. Comment cela pouvait-il être? Le goût, l’opinion, une prédilection pour un type de photographie plutôt que pour un autre, qui sait? Et cela me conduit à ma dernière observation.
En fin de compte, c’est la participation qui importe, pas la victoire. C’est bien de gagner, bien sûr, nous aimons tous la validation et peut-être quelques dollars en plus mais c’était toujours dans les cartes que 149 d’entre vous n’allaient pas gagner le gros lot. Vous avez eu l’occasion de regarder votre travail de l’extérieur, de choisir en tenant compte de ce que le reste du monde voit et de réfléchir à votre travail et à son orientation. Le concours est un moment dans le temps, une chance de mettre une épingle sur la carte qui indique où vous en êtes maintenant. La prochaine fois que vous participez à un concours, ce sera l’occasion de mettre une autre épingle sur la carte et vous pourrez peut-être voir où vous vous dirigez.
Le concours est l’impulsion organisatrice, le moment pour vous de faire le point et de revoir votre travail. C’est précieux chaque jour, gagner ou perdre. Bonne chance la prochaine fois!
Focus Photo L.A. est un concours respecté parrainé deux fois par an par Photo L.A. et A & I Fine Art + Photography. Des centaines de photographes se disputent pour que leur travail soit imprimé, encadré et accroché à Photo L.A., où il est vu par des milliers de visiteurs.
Les photos de cette article sont celles des vingt demi-finalistes parmi lesquels les trois gagnants ont été choisis. Tous seront exposés . Félicitations à chacun d’entre eux!
Photo L.A. se déroule cette année au Barker Hanger, à Santa Monica, Californie du 31 janvier au 3 février 2019