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Best Of 2018 – Juergen Teller ou l’organique couronné

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L’enfant terrible de la photographie contemporaine a encore frappé. Il expose une nouvelle série à Paris qui donne à voir son amour sans pareil pour le vivant, dans ses extrémités les plus étranges.  

Une bouche ouverte avec une grenouille dedans. Un homme masqué par un tube respiratoire dans un hôpital. La gueule béante d’un crapaud. Dès l’entrée de l’exposition le visiteur est pris par la dimension organique des photographies de Juergen Teller. Dans cette première salle de la galerie Suzanne Tarasieve, à Paris, le photographe a ajouté un autoportrait. On le voit allongé, à même le sol, des pêches et des escargots tout autour de lui et sur son dos, un sweat-shirt à capuche avec le drapeau européen amputé d’une étoile. Scène dans laquelle l’artiste joue au cadavre au milieu d’une installation qui rappelle celle des peintres hollandais du XVIIème réalisant des nature-morte.

Cette série s’intitule Leg, snails and peaches (2017). Juergen Teller s’amuse avec d’énormes gastéropodes à coquille qui se promènent sur le sol d’une galerie d’art et mangent goulument des pêches. Parfois, un escargot s’aventure sur la jambe du photographe. On y sent la bave couler dans un bal pour êtres miniatures qui se délectent des fruits qu’on leur donne.

« Paradise »

Plus loin, c’est une chouette au milieu de la forêt dont le photographe a saisi l’éblouissant regard. Ses yeux noirs et jaunes qui nous dardent dans une expression profonde et confondante. Juste à coté, Juergen Teller a photographié un coin de forêt où les arbres sont littéralement dévorés par la mousse. Il l’a intitulé Paradise et nous sommes comme transportés dans cette jungle arborescente à l’atmosphère lénifiante. Voisines de cette photographie, l’actrice Béatrice Dalle embrasse le tronc d’un arbre quand l’actrice Charlotte Rampling porte un renard sur ses cuisses tandis que traine à côté d’elle une paire de chaussures pour homme. Etonnants portraits que le photographe, chouchou des grandes maisons de mode, a confectionné dans ce qui semble être l’apogée d’une liberté créatrice. Ainsi, aussi, de son autoportrait au milieu de l’exposition. Il est allongé dans la cour d’un immeuble, complètement nu, un bouquet de ballons d’hélium à la main et, derrière lui, un mur de lierre décrépi par l’automne.

Gélatineux

Que ce soit dans le portrait, l’autoportrait ou dans les vues qu’il fait du monde, Juergen Teller offre au spectateur l’ouverture d’un réel où déborde le vivant. A l’étage de la galerie, une autre série frappe l’oeil. Ce sont des portraits de grenouilles qui se baladent sur des assiettes. Pattes difformes qu’on prendrait pour des mains décharnées…Corps gélatineux, yeux globuleux…Toute l’étrangeté de l’animal nous saisit et nous interroge quant à notre propre condition. Tel est par exemple la vue d’un batracien debout dont on ne voit pas la tête et dont l’abdomen nous fait irrémédiablement penser au ventre du photographe que nous voyons sur son autoportrait en nu, appelant à une réflexion métaphysique sur le lien que nous avons avec les grenouilles et autres crapauds. Mêmes pensées nous prennent devant une truie en train d’allaiter ses bébés alors que le photographe a placé juste à côté le gros plan d’un sein d’une femme ou encore une série de photographies où une femme pose nue alors que sont accrochées autour d’elle des paysages désertiques d’Oman, comme le vœu d’une correspondance entre la chair humaine et la rocaille terrestre, dans un jeu de va-et-vient qui célèbre profondément la vie.

 

Jean-Baptiste Gauvin

Jean-Baptiste Gauvin est un journaliste, auteur et metteur en scène qui vit et travaille à Paris.

 

 

Juergen Teller, Leg, snails and peaches
Galerie Suzanne Tarasiève
13 janvier au 6 mars 2018
5 Passage de l’Atlas, Villa Marcel Lods
75019 Paris
France

http://suzanne-tarasieve.com/

 

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