Le photographe de guerre Jonathan Alpeyrie, représenté par Polaris, a entreprit en 2004 un projet sur les vétérans de la 2e Guerre Mondiale. Nous découvrons avec ses images le visage de 202 anciens combattants de 59 nationalités différentes, bien que la galerie Anastasia n’en expose qu’une dizaine.
Ces photographies représenteront bientôt la mémoire de ceux qui ont vécu de près l’Histoire. De ceux qui ont aussi participé indirectement au développement du monde moderne. Le photojournaliste Jonathan Alpeyrie a débuté son projet intitulé World War II Veterans pour la passion qu’il voue au conflit et à l’avenir qu’il a dessiné. « Ces hommes face à l’objectif comme face à leur histoire et leur mortalité, rappelle-t-il. Ils ont vécu des choses d’une intensité particulière que nous, jeunes générations, ne pouvons pas vraiment comprendre. Proches de la mort, ils redeviennent aussi des êtres humains communs à travers ces photos. »
Débuté en 2004 lorsqu’il est basé à Santa Barbara, le photographe rencontre en premier lieu des vétérans américains, puis décide d’élargir ses recherches en parcourant notamment plusieurs pays d’Europe. Car c’est là l’une des facette de ce projet ; la grande différence par rapport à d’autres similaires est le nombre de nationalités qui sont représentées : Américains, Allemands, Anglais, Français, mais aussi Arméniens, Belges, Italiens, Danois, Azerbaidjanais, Tchèques. En 2007, Jonathan Alpeyrie se spécialise notamment dans les populations qui ont combattu dans l’armée allemande. « J’ai rencontré par exemple des Waffen SS, qui sont très rares à rencontrer. Il est facile d’approcher un Anglais ou un Américain, beaucoup moins un slovène ou un belge qui s’est battu chez les SS, un volontaire suédois qui s’est battu contre les russes sous pavillon nazi. » A Zagreb, en Croatie, il rencontre les survivants du mouvement révolutionnaire de l’Ustasa, également engagés à l’époque dans les forces de l’Axe par vocation politique, comme nombre d’autres étrangers anti-communistes. « De la même façon, il est très rare de les voir car ces gens ont été massacrés à la fin de la guerre par les communistes au nombre d’environ 50 000. On appelle cela le massacre de Bleiburg, qui est très peu connu. »
Pour certains, le photojournaliste met plus d’un an à les convaincre de le recevoir. Il passe par les ambassades ou les associations qui lui viennent en aide. En cinq années de travail, il fait poser 202 personnes de 59 nationalités différentes. Des photographies au cadrage simple et aux poses naturelles, sans quelconque artifice. Des portraits qui, sur les murs de la galerie Anastasia de New York, apparaissent en diptyques, affichant face à face des vétérans de camps opposés, qui peuvent ou pas avoir eu l’occasion de se rencontrer sur le champ de bataille. « Le seul choix esthétique », assure Jonathan Alpeyrie.
En complément de ses photographies, le photographe a réalisé des interviews grand format avec chacun de ces anciens combattants : d’autres documents qui participent au devoir de mémoire de ces hommes. Publié ici et là, la série de Jonathan Alpeyrie aspirerait néanmoins à un peu plus de visibilité, compte tenu notamment des quelques 40 000 dollars investis (un nouvel exemple de l’adversité à laquelle font face les photojournalistes). A l’avenir, il espère la publication d’un ouvrage, qui semblerait tout à fait légitime tant son projet rend hommage à l’histoire commune de plusieurs peuples. « Je fais ce métier et j’ai fait ce projet pour des raisons historiques, conclut Jonathan Alpeyrie, pas pour le bien de l’Humanité, comme certains photographes de conflits le prétendent parfois. »
Jonas Cuénin
Note : Chaque exposition de la galerie Anastasia Photo, spécialisée en photographie documentaire, donne lieu à une donation auprès d’organisations de charité. Celle de Jonathan Alpeyrie va à la fondation Iraq and Afghanistan Veterans of America (IAVA).
World War II Veterans de Jonathan Alpeyrie
Jusqu’au 31 mai 2012 chez Anastasia Photo
166 Orchard St # G
New York, NY 10002
(212) 677-9725