Ma série «Sur un air de Rachmaninov» est fondé sur le lien qui existe entre la musique et la photographie. La musique est très souvent conçue pour un support visuel, à l’instar des films.
Je voulais réaliser l’approche opposée et créer une série de photos basée sur un concerto pour piano. La structure de la série et l’émotion reflétée reposent sur le 3ème concerto pour piano de Rachmaninov. Ce compositeur russe est souvent considéré comme l’un des derniers représentants de la musique romantique et a inspiré de nombreuses grandes musiques de cinéma.
Le 3ème concerto pour piano de Rachmaninov a été créé en 1909. Il émanait d’une commande pour un public américain et a connu un premier accueil mitigé.
Ce n’est que dans les années 1930 que le concerto a connu un énorme succès, notamment après la première tournée du pianiste Vladimir Horowitz aux États-Unis qui jouait toutes les œuvres de Rachmaninov. Ce concerto se retrouve depuis plusieurs années dans le programme des candidats à des concours internationaux, notamment le prestigieux concours Reine Élisabeth en Belgique.
Le 3ème concerto pour piano de Rachmaninov a influencé la structure, le rythme et les tonalités de la série photos. L’ambiance cinématographique des années 1930 de la série s’inspire du travail de mode réalisé par le grand photographe d’origine luxembourgeoise, Edward Steichen et, dans une moindre mesure, du travail de Guy Bourdin, Helmut Newton et Brassaï.
Cette série interprète les émotions suscitées par le langage musical afin de montrer le lien étroit qui unit ces deux médiums artistiques. Ansel Adams, qui était un excellent pianiste, faisait lui-même une analogie entre la musique et la photographie. Il disait que le négatif est une partition et l’épreuve en est une interprétation.
Dans les années 1930, la grossesse n’était pas populaire comme aujourd’hui. Les femmes enceintes utilisaient des corsets pour dissimuler leur grossesse. Ce n’est qu’en 1952 que la grossesse d’une actrice est incluse dans une série (I love Lucy). A cette époque, le terme « enceinte » était jugé trop vulgaire pour la télévision. On utilisait les termes « elle attend un enfant » ou « elle est avec un enfant ». La raison pour laquelle je n’ai pas mis en évidence la grossesse dans cette série par des poses qui mettent en valeur les courbes vient de l’évolution du regard sur la grossesse dans l’histoire. C’est une manière de souligner cette évolution et de mettre à l’honneur la femme enceinte dans une partie de notre histoire qui tentait de dissimuler cet état.