En tant qu’éditeur du magazine Collectors Photography au milieu des années quatre-vingt, j’ai décidé de me rendre à Arles et de trouver de nouvelles photographies à publier dans le magazine en 1986. Comme le savent déjà tous ceux qui ont essayé, trouver une chambre à Arles pendant ce qu’on appelait alors les Rencontres Internationales de la Photo (RIP) qui était un acronyme malheureux car bien qu’en français cela sonne bien, en anglais cela signifie Reste in Peace (Repose en Paix) est presque impossible.
Sachant exactement qui contacter pour ouvrir la voie, j’ai appelé JJ Naudet qui, à ce moment-là, avait participé de nombreuses fois au festival et n’avait pas prévu de se rendre au festival cette année-là. Il m’a dit de faire savoir à son hôtel qu’il ne viendrait pas et de demander sa chambre. Dans cet hôtel, tous les invités viennent chaque année et conservent les mêmes chambres. Ce que je ne savais pas, c’était prendre la chambre de Naudet, qui est devenue la mienne et j’y suis restés chaque année depuis. C’est comme avoir un temps partagé à Arles. Même semaine chaque année depuis 33 ans.
La première année, j’étais en train de dîner dans un charmant restaurant de la famille Dumas, situé au deuxième étage au-dessus du café Van Gogh, et j’ai remarqué que le cofondateur des RIP, Lucien Clergue, prenait un repas avec des amis. J’ai naturellement envoyé un verre de champagne. Après le dîner, il est venu s’asseoir à ma table et la première chose qu’il m’a dite était: «Vous devez être Américain.» Quand je lui ai demandé pourquoi il avait répondu que les Français avaient peu de respect pour lui, les Américains avaient toujours apprécié son travail. Il a déclaré que le geste d’envoyer une coupe de champagne avait été grandement apprécié et que l’amitié s’établissait ainsi depuis des décennies.
Le lendemain, il m’a invité à un dîner privé tant convoité chez Maryse Cordesse, où on m’a présenté le nucléus de ce qui était à l’époque les Rencontres. Parmi les invités, Florette Lartigue, Cartier Bresson (vue de façon éphémère bien sûr), Martine Franck et son frère Eric, Jean Claude Lemagny, Joyce Tenneson, Pierre Boran, Willy Ronis et le meilleur pour moi ce jour-là, Jean Dieuzaide ”) Qui m’a adopté et m’a présenté beaucoup de personnes présentes.
À cette époque, les projections dans le théâtre antique étaient encore effectuées à l’aide de projecteurs de diapositives et nous avions l’occasion de voir de temps en temps la diapositive d’un photographe prendre feu et se consumer sous nos yeux. Pourtant, les soirées organisées par Lucien ont été phénoménales. Je me souviens d’un soir où Keichi Tahara a projeté tellement d’images de sa série parisienne que les gens ont commencé à partir tranquillement. Cela a duré si longtemps que j’étais probablement parmi moins de 200 personnes à la fin. Heureusement, il a gardé certaines des meilleures images pour la fin.
Kodak est venu et a investi dans le programme des années 80 qui a considérablement modifié le caractère du festival -c’est devenu un lieu de «réunions» au sens américain du terme plutôt que des rencontres occasionnelles- les gens montrant leur travail étaient partis Autour de la place, la spontanéité à laquelle j’avais assisté lors de ma première année mais qui était caractéristique des premières années d’Arles a disparu.
Tout à coup, vous aviez besoin de «badges» et deviez figurer sur des listes pour assister à des réceptions. Cela ne dura heureusement que quelques années et bientôt, il redevint français. Ce qui était intéressant, c’était que François Hebel avait pris le parti d’être directeur et avait fait un bon travail avant de partir travailler pour Magnum si je ne me trompe pas. Retour à Clergue et retour vers d’autres soirées exceptionnelles au Theatre Antique.
Puis nous avons eu un casting tournant de directeurs comprenant Claude Hudelot, Louis Mesple et même Agnès de Gouvion Saint Cyr. Ensuite, en 1995, Michel Nurisdany a projeté les œuvres de Nobuyoshi Araki avec des images graphiques de femmes japonaises nues suspendues et nouées comme un saucisson, ce qui a provoqué une émeute complète avec des tomates lancées sur Michel et son départ avec une escorte de police. Je me souviens de gens qui montaient dans la cabine de projection et retiraient physiquement la prise lors de la présentation du soir. La censure a prévalu. Malheureusement, je me suis retrouvé assis à côté de la merveilleuse Yvette Troispoux qui avait alors environ 80 ans et tout ce qu’elle pouvait dire, c’était «C’est pas normal ca», en regardant les images de bondage d’Araki. C’était tragique. Joan Fontcuberta a eu son tour en 1996 et l’inimitable Christian Caujolle en 1997. Vient ensuite un merveilleux programme d’une année seulement de l’indomptable Giovanna Calvenzi avec une magnifique exposition de Massimo Vitali sur son travail sur la plage italienne. Elle est la grande dame de la photographie italienne à bien des égards et une personne merveilleuse. Gilles Mora était le suivant. Gilles a joué de la guitare rock and roll à l’ancienne avec Ralph Gibson sur une scène aux Allyscamps, mais n’a servi que deux ans. Une de ses grandes expositions est celle de la photographe américaine Debbie Fleming Caffery, inconnue mais aussi incroyable, née en Louisiane. Gilles était un grand fan de la mythologie du sud américain allant de sa musique d’Eggleston à Caffery. Il a amené le sud (des États-Unis) à Arles.
Avoir des directeurs différents chaque année ou tous les deux ans n’était pas une recette de succès, car il fallait clairement plus d’un an ou deux pour bien maîtriser la gestion d’un festival de la photographie. Hebel a ensuite supervisé le festival pendant de nombreuses années. Son idée de donner carte blanche à de nombreuses galeries et conservateurs pour la présentation d’expositions était mitigée chaque année, mais il y avait toujours de grands moments forts et il allait certainement au-delà dans des cas comme amener JR à Arles avant qu’il ne devienne un nom célèbre. Il a dû guider le festival pendant des années avec des grèves – un résultat à la fois merveilleux et malheureux a été de regarder le travail incroyable d’Harry Gruyaert projeté dans un restaurant de Camargue parce que sa présentation du soir avait été annulée en raison de la grève des intermittents – il a du alors attendre une année complete pour présenter l’exposition.
Clairement, mon aspect préféré des Rencontres, mis à part les rencontres qui arrivent encore sont les soirées, mais les expositions nécessitant une énergie et des ressources énormes sont toujours à la base de la matière et je ne voudrais pas en manquer une.
Alors que nous entrons dans une nouvelle ère avec un nouveau siège social et un mécène incroyablement généreux, les rencontres ont changé et pourquoi pas? C’est un nouveau jour pour de nouvelles Rencontres. Je serais là.
Jeff Dunas