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Jean-Pierre Bonfort : sur les pas de Louis Barthas. 1914-1918

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L’apocalypse décrite par Louis Barthas dans ses Carnets de guerre est saisie crûment par les images de l’époque. Ce ne sont que terrains bouleversés, cultures et végétation pulvérisées, villes et villages en ruines, grands arbres centenaires hachés, restes humains déchiquetés par la mitraille…
Cent ans plus tard, muni de son téléphone mobile,  Jean-Pierre Bonfort se rend sur les lieux. Il se trouve confronté à un parcours doublement contraint : suivre les feuilles de route du soldat Barthas, lui-même tributaire de la stratégie des combats.
Que voit-il alors ?
Les sites de combat de la Première Guerre mondiale se révèlent en creux comme des « paysages » provisoires.
Les cicatrices du terrain sont parfois décelables, mais la végétation a reverdi, villages et maisons sont rebâtis. La vie a repris et, en dehors des grands sites mémoriaux, seuls quelques indices donnent à penser que ce paysage n’est pas le fruit d’une lente évolution. Un événement terrible s’est produit ici. Le paysage en est le témoin muet : les lieux évoqués jouent un rôle important dans le récit de Barthas, mais la plupart ne figurent pas dans le grand récit de l’histoire.
Ce qui demeure à jamais perceptible tient à la configuration géologique, aux conditions atmosphériques longuement évoquées qui furent une source supplémentaire d’effroi et de souffrance. « Ce que fut ce mois de janvier, ce que nous souffrîmes, je ne tenterai pas de le décrire. Jamais je n’aurais supposé que le corps humain pût résister à de telles épreuves », écrit Barthas.
Bonfort voit les routes où se déroulaient d’incessantes marches nocturnes, quelques vestiges d’architecture vernaculaire : granges, abris… Il affronte le froid, la neige, les sentiers rendus impraticables par la boue. Il voit aussi ce que n’a pu voir Barthas, les monuments, les mémoriaux, les innombrables cimetières où sont ensevelis les combattants et qui sont les signes les plus éloquents de l’ampleur du conflit.
Le photographe voyageur rencontre une forme de banalité, de platitude : ni pittoresque, ni tragique, encore moins d’exotisme, une profonde mélancolie que dévoile subtilement sa technique minimaliste. Il affronte la temporalité complexe d’un siècle entier. Seule la parole du témoin qui le guide et son articulation avec l’image peuvent donner véritablement à comprendre la notion de trace.
Se pose alors la question de la fragilité et de l’ambiguïté d’un témoignage photographique a posteriori. Nous mesurons l’écart entre le visible et la parole.
En somme, cela a été, mais je n’étais pas là. J’ai été là, mais ce n’est plus cela.

Anne Biroleau

Jean-Pierre Bonfort vit et travaille à Grenoble.

Exposition
Les Carnets de guerre de Louis Barthas, tonnelier, 1914-1918. Paris, La Découverte, 2003 réed. 2013.
Jusqu’au 29 août 2014
BnF – Site François Mitterand
Quai François Mauriac
75013 Paris

France

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