Le corps enfante de bien drôles de fruits. Il ne faut pas le brimer. Il accueille tout, bribes et lumière. Une scène devient une vision unique. Ou un groupe. Ensemble, la forme et le volume d’un personnage peuvent tourner au langage, au paysage d’une personnalité et de son histoire. Prendre de l’intimité. Les corps de Tease, exposés par Jan Rattia au Houston Center for Photography, aspirent à devenir des personnes intégrales. Pour construire des liens de confiance, il faut des connexions personnelles. Les profondeurs de l’absolu font progresser les potentialités de la photographie de Rattia. Comme au confessionnal, les hommes se révèlent dans leur profession et leur gabarit, sans revêtir l’ineptie de ces alliances. Tous, nous nous réalisons nous-mêmes, dans notre forme et notre métier. Ces tentatives ne nous définissent pourtant pas pleinement. Les habitudes de l’engagement et des projets à long-terme sont vastes et contestables.
Comment se dessine notre désir de dignité dans la construction de nos histoires individuelles ? Les risques de la tendresse nourrissent le respect de l’identité. Les œuvres de Rattia démontrent un engagement cinématique vis-à-vis des immobiles. La lumière est intentionnelle et spécifique. Les portraits dévorent la chair et l’atmosphère. Certaines scènes peuvent provoquer la confusion. La photographie exige du temps, à la fois littéralement et psychologiquement. Pour les observateurs, les lieux inconnus rehaussent les possibilités. Fréquemment, ce qui se passe ne se passe pas. Les moments créés au sein des cadres racontent des histoires. Ou pas. Ces photos ne sont pas faites de moments. Elles les créent. L’aperçu de ce qui se passe facilite l’accès mais ne dispense pas de l’implication conceptuelle.
Se sentir mal à l’aise, ce n’est pas grave.
Quand nous pensons à des histoires, quel est notre cheminement ? Existe-t-il de nouvelles façons de concevoir des livrets ? Peut-être par des chuchotements et des souffles qui culminent en calmes sereins et saillies. L’interprétation appartient à l’observateur, dans les œuvres de Rattia. Elles sont écorchées pour révéler des choses qu’il ne souhaite pas forcément résoudre entièrement. Les cadres de référence individuels permettent de creuser pour découvrir une création comestible et l’œil attentif permet de maintenir les intentions à portée d’intellect, mais la vérité n’est pas chose aisée. Le fait de connaître la vocation spécifique à chaque homme ainsi que le contexte de l’imagerie n’est pas nécessairement important. Ils sont à l’intérieur, sombres, échappés vers leur environnement, sur le point de, parsemés de lumières savantes. Ces hommes ont une nature intime, à l’instar de toutes les vies. Le métier capture une bribe de leur vie. Nous faisons tous bien d’autres choses en dehors de nos occupations professionnelles.
Ce que sont les gens, c’est un numéro. Les portraits retouchent les intimités personnelles, réfléchissent aux questions sans réponses et aux liens entre les humains. En établissant des réseaux, on peut étudier la participation des gens. C’est ce type de clarté que recherche Tease. « Chacun a le droit de participer à la photographie. » Rattia entend que les sujets et les observateurs soient qui ils sont. Les points de vue apportent leurs contributions, tandis que la lumière, sculpturale et troublée, nourrit l’importance du contenu des photographies. On peut à présent se sentir à l’aise. Ce confort transparaît, mais rien n’est aussi facile que le laissent croire les apparences. Les fenêtres permettent de contempler les croyances et les marchés conclus, les hommes et les orbites, les fractions de seconde et les conséquences. Ensemble, toutes ces bribes se déploient, mais uniquement si on le leur permet.
Efrem Zelony-Mindell
Poète, photographe et conservateur indépendant, Efrem Zelony-Mindell vit et travaille à New York.
Jan Rattia: Tease
Du 12 mai au 2 juillet 2017
Houston Center For Photography
1441 W Alabama St
Houston, TX 77006
USA
