Jacques Yvergniaux nous a envoyé sa série sur les gens sans-abri dans les rues. Il l’a présenté comme suit.
A la rencontre des gens de la rue
Paris, avril 2018. Je marche tranquillement dans une rue près de la gare Montparnasse, lorsque je passe devant un homme, une femme et une petite fille, tous les trois installés sur un carton et sous une couverture, à même le sol. La femme dort. Je m’approche et tente d’engager la conversation. C’est la première fois que j’entreprends cette démarche. C’est difficile car l’homme ne parle pas français. Je comprends que j’ai affaire à une famille de réfugiés en provenance d’Afghanistan. Tout en essayant de discuter, je montre mon appareil et propose de faire une photo. Aussitôt, l’homme réveille sa femme et tous les trois prennent la pose. Ils semblent contents que quelqu’un s’intéresse un peu à eux et peut être avoir plus de visibilité. Et puis je continue mon chemin.
Cette photo m’a posé beaucoup de questions. Certains m’ont reproché de faire du voyeurisme et de profiter de la misère des autres. J’ai simplement voulu montrer la réalité et essayer de donner un peu de dignité aux personnes photographiées.
Je regrette de n’avoir pas essayé de discuter plus longtemps pour connaitre un peu mieux leur histoire. Cette photographie, prise très rapidement ne fait pas partie d’un objectif défini à l’avance. Par la suite, elle m’a permis de développer une démarche de travail afin de réaliser une série photographique. Il faut consacrer du temps pour aller à la rencontre, discuter et tenter de s’approprier l’histoire. Mettre les personnes suffisamment à l’aise afin qu’elles acceptent, voire même qu’elles réclament d’être photographiées ou filmées. Après une période de latence et de réflexion, ce projet sur les gens de la rue a vraiment démarré en 2024.
Il y a les sans-abri, celles et ceux qui vivent dans la rue, et qui, suite à un «accident de la vie» ou bien pour après avoir «voulu fuir l’horreur», sont contraints de «demander», ne serait-ce que pour simplement manger. A chaque rencontre, la parole se libère. Ils n’hésitent pas à raconter leurs histoires. Ils ont beaucoup de choses à dire, et rares sont les personnes qui les écoutent. Ça leur fait du bien, et je découvre un monde bien loin de ce que je pouvais imaginer.
Pour terminer sur une note un peu plus optimiste, je me suis intéressé également à ceux qui vivent de la rue. Ils proposent des animations, Ils chantent, jouent de la musique, proposent des spectacles. Ils gagnent leur vie grâce à la générosité des passants, en échange d’un instant de plaisir.
A chaque rencontre, j’explique ma démarche. Réaliser un reportage sur les personnes à la rue, dans la précarité, et ainsi donner la parole tenter de leur redonner de la dignité. Les personnes sont toujours photographiées avec leur consentement éclairé. Par la suite, j’essaie de les retrouver une seconde fois pour compléter l’histoire de leur parcours de vie, et aussi, leur offrir les photos réalisées lors de notre première rencontre.
Jacques Yvergniaux
Biographie
Né en 1958.
Débute la photographie dans les années 1980, en tant que correspondant de presse au quotidien Ouest-France pour le canton de Lamballe.
Pratique la photographie argentique en noir et blanc pendant une vingtaine d’années, avant de franchir le pas du numérique en 2004.
Produit et réalise des expositions commandées par des institutions publiques. (Villes, Conseils départementaux, médiathèques) et participe à des expositions collectives telles que le salon des artistes français (Paris, Grand Palais, médaille de bronze en 2012) , le festival « Pluie d’images » à Brest, Festival Européen de la photographie de nu à Arles.
Collabore occasionnellement avec une agence et publie des photos dans la presse nationale et internationale (Nouvel Observateur, Jeune Afrique, Le Figaro, Le magazine du Monde, JDD …)
Assure à deux reprises la fonction de commissaire pour une exposition collective avec 12 photographes.
Développe son activité d’auteur photographe avec la création de son atelier-galerie « Le Réser’Voir d’image » à Plouër-sur-Rance (22) , réalisé avec la participation du ministère de la Culture (DRAC de Bretagne).
Vient de publier en mai 2023 le livre « Afriques intimes » comportant une quinzaine de chroniques photographiques aux éditions Corridor éléphant.