La Force Majeure*
On vit dans un monde, notre monde, que l’on n’a pas choisi et dont on ne peut changer.
On ne peut donc que l’accepter tel qu’il est, sans faux-semblants, sans atténuation, avec toutes ses aspérités, mais avec un regard lucide.
Cette appropriation inconditionnelle du monde tel qu’il est, ce n’est pas qu’il mérite notre approbation pour ses qualités, mais simplement parce que le monde est ce qu’il est, et qu’il est le seul auquel on a à faire.
C’est se mettre face à lui sans vouloir le changer. La seule alternative est de l’approuver ou de ne pas l’approuver. On peut juste dire « c’est comme ça, et pas autrement ».
Ceci est une manière d’être, une manière de vivre, une appropriation du réel.
Mais quelle ressource rend possible cette approbation ? Ce ne peut être que la joie.
Cette pratique joyeuse de l’existence suppose inévitablement une pratique du rire.
Rire, au départ, c’est un décret : le décret de la joie.
Rien ne justifie pourtant d’être joyeux ! La joie de vivre est sans raison d’être ; elle est irrationnelle.
Mais ce rire est un rapport au monde qui permet d’affronter le réel tout entier, y compris la conscience de la mort, retrouvant le rire permanent du crâne du squelette.
*Clément Rosset, Éditions de Minuit 1983
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