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J.M. Périer et J.P. Goude décorés

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Le 8 février, Frédéric Mitterrand a remis les insignes d’officier de l’ordre des Arts et des Lettres à Jean-Marie Périer, de commandeur de l’ordre des Arts et des Lettres à Jean-Paul Goude.

Vous pouvez lire dans la version française de La Lettre le discours de Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture et de la Communication, prononcé à l’occasion de la cérémonie de remise de décorations à Jean-Paul Goude et Jean-Marie Périer.

Jean-Paul Goude

« Cher Jean-Paul Goude,
Jean-Paul Goude, vous jouez de nos imaginaires en prestidigitateur – tour à tour chorégraphe et dessinateur, conteur et graphiste, humoriste et dessinateur, illustrateur, photographe, metteur en scène, réalisateur, publicitaire : créateur et « enfant terrible » pour toujours.
Vos images racontent l’énergie et la vie. Elles bruissent de frottements de tissus, de champagne qu’on débouche, de fêtes et d’éclats de rires, de talons hauts et de verres qui se brisent, d’airs d’opéra et d’animaux qui rugissent.
Grace Jones avec sa coupe en brosse, Vanessa Paradis en petit oiseau de charme, Laetitia Casta en héroïne mutine, Farida Khelfa, Karen « la Jeanne d’Arc de Séoul »… Autant de muses qui sont passées devant vos objectifs. Et puis on a bu du Perrier, on a regardé les jambes Dim des filles dans le vent, on a humé le Chanel n°5 ou Coco dans le sillage de blondes et de brunes en cages, on a dévoré du chocolat Lindt en écoutant Le lac des cygnes, on a crié « Egoïste » à l’occasion d’une dispute un peu dramatisée en claquant les volets de l’hôtel, on a mis des lutins dans nos photographies Kodak, on a chanté la Marseillaise avec Jessye Norman, on a roulé en plein désert en Citroën et on a sauté dans des jeans Lee Cooper…
À Saint Mandé, une danseuse d’origine irlando-américaine, votre mère qui vient de vous quitter il y a peu, vous initie à la danse et au monde des music-halls. Vous découvrez alors le danseur et chorégraphe Jean Babilée qui sera pour vous une grande source d’inspiration. Dès lors, depuis vos dessins d’enfants jusqu’à aujourd’hui, vous traquez l’énergie, le geste juste, la chorégraphie bondissante et la rapidité.
Après des études à l’Ecole des arts décoratifs, vous devenez l’illustrateur du magasin du Printemps pour hommes. Avec la confiance de son directeur Harold Haynes, directeur artistique de l’illustre magazine Esquire, votre aventure new-yorkaise commence, et vous travaillez également comme collaborateur du New York magazine.
Quelques coups de ciseaux, des épaulettes sous la chemise, des talonnettes ou même une paire de « platform shoes » démesurées : vous inventez la « French correction ». Andy Warhol y voit matière à créer une clinique pour magnifier les corps… Mais vous vous lancez vers d’autres projets. C’est là que les muses du monde entrent en scène. Venues d’Afrique, du Maghreb ou de l’Asie, Pygmalion en fait des icônes générationnelles, en les aidant, je vous cite, « à atteindre le sommet de leur personnalité ». Le Musée des arts décoratifs rend aujourd’hui hommage, avec l’exposition « Goudemalion » depuis novembre, à votre travail mise en scène de ces muses extraordinaires : Grace Jones, Farida Khelfa, Radiah Frye, Toukie, Karen…

Farida deviendra l’égérie d’Azzedine Alaïa. Karen, la mère de deux de vos enfants. « Pour Grace Jones », qui est aussi la mère de votre fils Polo, vous dites, « j’avais décidé de mettre en pratique tous les paradoxes du monde ». Une cage au tigre où le fauve disparaît avec une coupure de courant, remplacé par Grace Jones, mâchant un morceau de viande.
Et bien sûr, c’est à vous que le Président François Mitterrand et son ministre Jack Lang confient en 1989 la conception monumentale du défilé sur les Champs Elysées à l’occasion du Bicentenaire de la Révolution française, dont nous nous souvenons tous encore et qui scellera à jamais votre popularité de créateur.
Un créateur qui aime les autoportraits en pantalons courts et en veston de groom, tantôt illustrateur, de la publicité à la mode, tantôt en train d’écrire son long métrage, toujours en rythme et en musique : un créateur que la France aime chaque année toujours un peu plus.
Cher Jean-Paul Goude, au nom de la République française, nous vous faisons Commandeur de l’ordre des Arts et des Lettres. »

Jean-Marie Périer

« Cher Jean-Marie Périer,
« D’un simple déclic, par une simple intuition, Jean-Marie Périer a fixé le rêve pour toujours » – c’est l’une des grandes personnalités dont vous aurez fait le portrait qui le dit : Patrick Modiano.
Depuis les posters de la revue Salut les copains jusqu’aux expositions qui vous sont consacrées, il y a deux familles qui vous entourent.
La première, c’est la vôtre, auprès de laquelle vous côtoyez des dynasties de comédiens. Avec votre mère, Jacqueline Porel – elle-même fille de Réjane, qui inspira à Proust le portrait de la Berma dans la Recherche -, et votre père, François Périer, le monde du cinéma, du théâtre, de la littérature fait partie de votre entourage, à l’âge où vous jouiez du piano, en pyjama, devant Yves Montand, Louis Jouvet, Sacha Guitry, Humphrey Bogart ou encore Pierre Brasseur.
L’autre famille vient plus tardivement : c’est votre fratrie de cœur. Sylvie, Jojo, Schmoll et ses Chaussettes noires, les Beatles, Claude François, Jacques Dutronc, Sheila. Une pléiade tout droit sortie de Salut les copains dont il faut ici évoquer le créateur et votre père spirituel, Daniel Filipacchi. 
Quelques années avant la création de la mythique émission radio et de son magazine, Daniel Filipacchi, alors seulement pigiste, photographe et animateur de la quotidienne Pour ceux qui aiment le jazz d’Europe 1, vous engage en 1956 comme assistant. En créant Salut les copains, les jeunes auditeurs sont soudain valorisés, considérés, respectés. Quant au magazine, il rencontre un succès immédiat. « Débrouille toi pour que les photos déplaisent aux parents », vous intime Daniel. C’est avec énergie et une certaine tendresse, avec humour et complicité, que vous photographiez ces stars en devenir, qui ont 20 ans comme vous. Vous commencez ainsi un album des sixties dont les milliers de clichés sont la mémoire visuelle.
Sylvie Vartan frôlant une affiche de Johnny ; Michel Polnareff, tout surpris d’être attrapé en flagrante dérive enfantine en roulant à vélo à l’intérieur d’un bureau ; James Brown au pied de son avion privé, costume noir de rigueur et regard de conquérant ; Alain Delon, bien sûr, dont la moue égarée ne cesse aujourd’hui encore de revenir sur nos écrans et dans nos journaux pour la cause d’un parfum qui veut raconter ce qu’il y a d’indomptable en l’homme ; Mick Jagger, que vous êtes allé jusqu’à plonger dans un milk-shake, qui semble toujours beaucoup s’amuser à chaque séance avec vous. Chez Jean-Marie Périer, c’est la complicité qui fait tout.
Parmi toutes ces personnalités, il en est évidemment une qui vous est particulièrement chère, et auquel vous avez consacré tout récemment un ouvrage sobrement intitulé Françoise. Celle qui a rendu amoureux tous les garçons de son âge et qui n’a cessé de démontrer son talent et l’extrême sensibilité de son écriture, fut votre modèle préféré, et celle que le plus, vous avez aimé.
Salut les copains s’arrête en 1974. Vous partez pour les Etats-Unis où vous résiderez pendant plus de dix ans. Après avoir déjà réalisé plusieurs longs métrages comme Tumuc Humac avec votre frère Marc Porel et Dani, Antoine et Sébastien, le premier rôle de Jacques Dutronc, et Sale rêveur, toujours avec Dutronc, vous vous lancez dans les spots publicitaires « made in USA ». Camel, Canada Dry, Bic, Ford ou encore Coca Cola font l’objet de quelque 600 spots publicitaires que vous dirigez avec talent et humour.
De retour en France en 1990, vous retrouvez la photographie avec les magazines Elle, le Figaro Magazine et Paris Match. Dans l’univers de la mode, ce sont Saint-Laurent, Tom Ford, Christian Lacroix, Gaultier ou Alaïa, en plein foisonnement créatif, qui vous donnent l’occasion de renouer avec l’esprit de liberté et de fantaisie qui vous est si cher. Avec humour, vous capturez par photomontage toute la grande famille de la mode.
Celui que François Weyergans a surnommé « le Proust des yé-yé », exposé dans le monde entier, continue de nous émerveiller, parce qu’il garde avec lui, dans la magnifique campagne de l’Aveyron qui l’a adopté, le secret des images qui savent refléter autre chose qu’elles-mêmes.
Cher Jean-Marie Périer, au nom de la République française, nous vous faisons Officier de l’Ordre des Arts et des Lettres. »

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