La notion d’archives est au cœur de l’engagement artistique et politique d’Akram Zaatari, co-fondateur de la Fondation arabe pour l’image (FAI) en 1997, à l’heure où la dissémination des collections publiques et privées dans le monde arabe risquait de voir disparaître le patrimoine visuel de la région. L’exposition présentée par Salt, à Istanbul, revient sur la diversité de sa pratique, mêlant vidéo, photographie, installation, recherche et intervention. La scénographie joue ici un rôle majeur dans l’appréhension de la démarche d’un artiste fleurtant avec l’archéologie pour disséquer les limites et les paradoxes de l’acte de conservation.
Envisagé comme une introduction aux recherches d’Akram Zaatari, le premier étage de l’exposition met en parallèle deux projets réunis sous le titre « Acts of excavation and their reverse, archaelogy and its opposite », et inspirés par l’excavation d’une lettre écrite et enterrée pendant la guerre civile par Ali Hashisho, membre actif du mouvement de résistance communiste libanais. La première série consiste en une dizaine d’interviews et de documentation vidéo permettant de retracer la mission d’excavation de la nécropole royale de Saida, au Liban, par Osman Hamdi Bey en 1887 et la délocalisation de son monument majeur — le sarcophage dit “des pleureuses” — au musée d’archéologie d’Istanbul. Lui répond Time Capsule, un projet de préservation radicale des 600 000 photographies de la collection de la Fondation arabe pour l’image. En proposant d’imiter la solution adoptée par le Musée national de Beyrouth lors de la guerre civile — les conservateurs avaient alors emprisonné les pièces du musée dans des blocs de béton armé pour les protéger des bombes —, Zaatari établit un plan d’inhumation des archives de la FAI illustrant les paradoxes du cycle de préservation du patrimoine : dans un enchaînement interminable, tout acte de conservation d’un artefact implique la création d’un nouvel artefact.
Le deuxième étage de l’exposition revient sur deux des fonds photographiques que Zaatari a explorés et acquis pour la Fondation arabe pour l’image : celui du studio du photographe Van Leo, au Caire, et celui du photographe Hashem el Madani, du studio Shehrazade de Saida. La scénographie mêle documentation photographique formelle des lieux, vidéos tournées en Super 8, interviews enregistrées avec une caméra d’ajourd’hui et extraits des collections originales endommagées par le temps. L’ensemble pointe l’anachronisme inhérent à l’acte de préservation et relève autant de l’étude de l’archivage que de l’étude de l’archive elle-même.
Le troisième et dernier étage pourrait alors apparaître comme le seul consacré à l’analyse des fonds eux-mêmes, notamment à travers les codes de représentation de la masculinité, mais ce serait sans compter la vidéo intitulée The End of Time. Œuvre troublante qui met en scène la naissance et l’évanouissement du désir, il fait écho à l’interminable enchaînement de naissances et de fins — cet acte de re-création perpétuelle — auquel est exposée l’archive. Et, par extension, toute œuvre.
EXPOSITION
Akram Saatari
jusqu’au 15 février 2015
SALT Beyoğlu
İstiklal Caddesi 136
Beyoğlu 34430
İstanbul – Turquie
T +90 212 377 42 00