C’est une série née d’une rencontre entre Isabelle Chapuis et Kappauf, figure de la mode parisienne, dont elle dit « apprécier chez l’homme l’absence de frilosité ». La jeune photographe française, prix Picto 2010, a donc choisi l’originalité pour un nouveau projet de portraits en s’inspirant de la série télévisée Ugly Betty. Au petit écran, Betty Suarez n’est pas spécialement belle, mais elle est douce, intelligente et travaille dur. Dans un monde régi par les apparences, ses qualités sont invisibles et vont devenir importantes au sein du magazine de mode qui l’engage. « Elle a l’apparence d’une sotte, mais au bon cœur, raconte Isabelle Chapuis. J’ai essayé de saisir le personnage, retranscrire ses expressions plus que de créer de véritables scénettes. Il fallait jouer sur une mise en scène sobre compte tenu de la présence de la haute joaillerie. »
On retrouve ce personnage dans le travail de la photographe à travers des culs de bouteille en guise de lunettes, du maquillage forcé, un charmant appareil dentaire oublié dans un sourire et quelques airs béats. Bouleversant les codes de la beauté féminine, cette série, réalisée au studio Rouchon à Paris et intitulée Ugly Pretty, La grâce des ingrates, se plie pourtant à l’exercice de la photo de mode à travers la beauté apparente du modèle et l’élégance de ses apparats. « Il ne faut pas oublier que, dans la série, Betty est une fausse moche », illustre Isabelle Chapuis. Neuf portraits tout en contraste ainsi à découvrir dans le numéro hiver 2012 du magazine Citizen K et dans La Lettre d’aujourd’hui. « Je sors un peu de mon style, conclue la photographe, mais c’est toujours bon d’expérimenter de nouvelles choses. »
Jonas Cuénin