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Isa Marcelli par Samantha Rouault

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Il n’y a peut-être pas plus beau décor que celui que côtoie Isa Marcelli.

Le train emprunté ce jour de janvier traversait des paysages finement enneigés et menait vers une photographie poétique, plongeant la réflexion sur l’œuvre en elle-même, sa place dans une réalité foisonnante d’images, son esthétique rappelant inéluctablement celle de Julia Margaret Cameron, pionnière en la matière.

De sa voix doucement rocailleuse, Isa Marcelli se dévoile.  Elle conte son immersion dans l’image photographique  il y a six ans, à un tournant de sa vie. Telle une évidence. Un désir enfoui en elle depuis sa plus tendre enfance en Algérie, puis une arrivée en France quelque peu bouleversante, où l’adolescente rêvait de poursuivre des études d’art – chose inimaginable pour ses parents. De sa mère Indochinoise et de son père Algérien, elle conserve des images anciennes intemporelles.

Munie de son Canon APN, Isa Marcelli a commencé à mettre ses images sur Flickr, avec cette volonté perpétuelle de chercher des rendus différents, esthétiquement. « Internet m’a beaucoup aidé. C’est un des merveilleux changements de notre époque. Je suis très heureuse de vivre cette période là. »
Très vite, elle s’est rendue compte qu’elle ne souhaitait pas retranscrire la réalité, mais en faire une autre lecture, fuir ainsi une certaine matérialité. C’est sur les brocantes, eBay, qu’elle déniche de vieux appareils qu’elle bricole ensuite, rajoutant des filtres faits de bouts de plastique. 
Admiratrice du travail de Sally Mann et de Mark Sink, elle parle de ce dernier comme « un véritable choc esthétique » pour elle. Elle prend alors contact avec lui. Il lui envoie en guise de réponse un très long mail et lui offre sa première chambre. C’est à ce moment qu’elle se lance dans le collodion, qui mêle lourdeurs techniques et multiples aléas. Il lui faut réunir les choses, comprendre la chimie, le procédé orthochromatique. « Avec le collodion, les couleurs ne sont pas retranscrites de la même manière. Le collodion métallise le teint, il décale la réalité et permet ainsi d’emmener ailleurs. Le ratage sur mes photographies apporte de la dramaturgie. J’aime qu’on puisse ne pas rattacher mes photographies à une époque. Je préfère ce non-temps. Cela a une portée plus universelle, plus essentielle. La rareté du procédé tend à disparaître aujourd’hui. La communauté n’est pas totalement pacifique. Il y a des rivalités. J’adore ce procédé, mais il me tiraille aussi. »

Isa Marcelli photographie ses proches, « extensions d’elle-même », glisse-t-elle. Ils lui servent de modèles pour la composition de ses tableaux photographiques, entre représentation picturale et immédiateté de la situation.
Dissimulée dans des vêtements à l’allure quelque peu masculine, cette photographe de l’intime poursuit sans répit une construction d’images féminines. « Il y a une image de la féminité que j’affiche plus volontiers dans mes photographies que sur moi-même » dit-elle.

De tout cela, est né le projet des Photographeuses – studio photographique de portraits au collodion, partagé avec sa fille aînée, Léa L’Azou, qui termine sa troisième année à l’Ecole de Condé. Les gens viennent, se déplacent, sur rendez-vous. « On expose leurs portraits, ils repartent avec, sur une plaque d’aluminium ou de verre. » La qualité doit exister à chaque étape. Le Studio des Photographeuses propose également des stages, à la journée. Cette initiative se répand comme une trainée de poudre. Il y a aujourd’hui une forte demande. 
Dans l’atelier, c’est là que tout se passe. Le travail se fait au flash pour les portraits. Puis la magie de l’image apparaît. « Le temps pour le tirage est un moment que j’affectionne particulièrement. J’aime cette phase, cet instant dans le studio, au calme. »

Dans ses précédentes « séries » – mot qu’Isa Marcelli n’affectionne pas pleinement, ayant rarement ce sentiment d’avoir terminé – Mécanisme de l’oubli montre une suite d’autoportraits – des sténopés – qui lui ont ramené un peu de notoriété. Les tirages au palladium regorgent de sensibilité. La photographe se met en scène, s’en amuse, semble se servir de l’image comme une confidence.
Il y a aussi les grands formats, sur papier argentique, emplis de sensualité. Des corps doucement dénudés, où le temps vient s’inscrire, comme la continuité des saisons. « J’ai un décor de rêve autour de moi. Les saisons, ce relatif au temps qui passe. Je plante, je sème. Les choses germent. »
La série Les fleurs que là-bas j’ai vécues lui a rapporté le prix CAFéFOTO, en 2011.

Isa Marcelli est représentée en France par l’Agence Révélateur. Elle est aussi représentée à Rotterdam par la toute nouvelle galerie Unlimited Grain et est très heureuse pour cette belle demande de leur part. La démarche ici lui semble plus compliquée. Les galeries sont souvent axées sur la photographie contemporaine et les grands formats.

Sur des étagères, une accumulation de livres, des appareils photos. Ses découvertes se font au fur et à mesure qu’elle fait des images. Elle choisit Camera Work.

Le temps, Isa Marcelli le retient dans sa plus pure beauté. Elle en fait une définition hors du temps, sans limite aucune.
Dans cette harmonie fragile, la femme qu’elle est aujourd’hui pose son regard sur son travail. « C’est ma vie » confie-t-elle.
« Je n’ai pas de certitude. La photographie me sert à fuir la réalité. »

Samantha Rouault

Isa Marcelli exposera son travail à partir du 8 mars 2013 à la Galerie Johanna Breede à Berlin pour l’exposition de groupe intitulée Frauen. Ouverture qui coïncidera avec la journée mondiale de la femme. cliquez ici pour en savoir plus

Ainsi qu’à partir du 23 mars 2013 à la Galerie Unlimited Grain à Rotterdam, date de l’ouverture de la galerie. 1ère Exposition des artistes représentés. 

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