Michelle McNally a rejoint le New York Times comme directrice de la photographie en juin 2004 et a été promue directrice adjointe en juillet 2005. Avant de rejoindre le NY Times, McNally a été directrice photo pour Fortune Magazine de novembre 1986 à mai 2004. Précédemment, elle avait été directrice photo pour le Time Life’s Magazine Development Group. Elle avait commencé sa carrière comme commercial pour l’agence Sygma en 1977. En charge de toute la photographie pour le NY Times, Michelle McNally dirige plus d’une centaine de personnes, avec la réputation d’être un bourreau de travail. Également connue pour sa discrétion, elle a pris part à la revue de portfolio de Lens dimanche dernier et donné à quelques jeunes photographes chanceux l’occasion de lui montrer leur travail. À la fin de la journée, elle a pris le temps de s’assoir et de parler un peu de son expérience pour Le Journal.
Quand James Estrin est venu vous voir avec l’idée d’un week-end consacré à des lectures de portfolio sponsorisées par LENS, comment avez-vous réagi?
Michelle McNally: Cela me semblait une excellente idée. Je pensais que photographes amateurs et professionnels seraient réjouis. Je lui ai dit qu’il devait s’assurer que c’était le genre de choses que le New York Times était en mesure de faire. Il fallait que cela corresponde à notre rôle. Pour les photographes, ce week-end a été une opportunité incroyable de rencontrer individuellement toutes ces personnalités de la sphère photographique. Et plus important: de façon gratuite.
Oui, cet événement était gratuit. Que pensez-vous du marché des lectures de portfolio?
MMN: Honnêtement, je ne sais pas grand chose sur ce marché. Je ne sais pas comment cela fonctionne véritablement.
Mais vous savez que c’est généralement cher…
MMN: En effet, alors cet événement organisé par le New York Times est une très bonne chose. Beaucoup de gens sont venus me dire que c’était formidable d’être en mesure de discuter avec moi ou d’autres. Mais je tiens à dire que des lectures de portfolios se produisent toute l’année à de nombreuses occasions. Les éditeurs photo du New York Times regardent les travaux de nouveaux photographes tous les jours.
En faites vous de même?
MMN: Habituellement, je ne fais pas de lecture de portfolio individuelle. Les gens m’envoient des liens et si je pense que tel photographe est quelqu’un que je souhaite voir employé, alors j’envoie ses informations à l’un de nos bureaux individuels. Au Times, nous avons 40 éditeurs photo.
Combien de photographes découvrez-vous par an?
MMN: Beaucoup, en fait. Il ya plusieurs façons de le faire. Grâce à mes ateliers, où je peux m’asseoir, regarder le travail et vraiment discuter avec le photographe. Au cours de ma journée type, je peux en aucune façon trouver le temps de le faire. Je gère un département gigantesque, je travaille selon des délais qui n’en finissent pas de s’accumuler.
Vous êtes très occupée, mais vous avez trouvé le temps de venir ici aujourd’hui. Pour quelle raison?
MMN: Tout d’abord, Lens Blog sponsorise cet événement. C’est l’une des raisons. Mais aussi, j’ai apprécié sortir de mon bureau et observer tout ce travail. Je me suis employé à donner des conseils à tous ces jeunes gens.
Que pensez-vous du travail que vous avez vu aujourd’hui?
MMN: Il y avait de la qualité, sans aucun doute.
Pensez-vous que vous allez contacter l’un des photographes que vous avez rencontrés aujourd’hui?
MMN: Tout à fait. Une photographe en particulier, son nom est Sara Naomi Lewkowicz, elle est fantastique.
Souhaitez-vous à nouveau organiser ce genre d’événements?
MMN: Beaucoup de gens m’ont demandé si nous allions le faire. Principalement des examinateurs. J’ai hâte d’entendre les photographes pour savoir ce qu’ils ont pensés de leurs critiques (rires). Mais pour le futur, nous espérons évidemment que cela aura lieu une nouvelle fois !
Quelques questions plus générales sur la photographie. Selon vous, comment les photographes doivent-ils aujourd’hui s’organiser pour trouver du travail?
MMN: Cela dépend vraiment du type de travail qu’ils veulent faire. C’est l’aspect le plus important qu’ils ont besoin de comprendre: «Qu’est-ce que je veux faire? » Une fois que c’est compris, il y a beaucoup de chemins différents à emprunter.
En parlant de documentaire, la dernière exposition au Bronx Documentary Center était originale: témoignages de la guerre en Irak, l’intimité d’un soldat, des photos de Gary Knight, mais aussi des textes, etc. Que pensez-vous de ces projets multimédias et des nouvelles approches sur ces événements dramatiques?
MMN: Je suis tout à fait enthousiaste sur l’utilisation de tout moyen d’évoquer un fait, ce qu’une personne ressent, que ce soit par la photo, la vidéo, l’audio, ou une combinaison de plusieurs de ces médiums. Tant que le résultat est évocateur et émotionnel.
Aujourd’hui, nous avons vu des photographes qui sont de grands fans d’Instagram. J’ai posé cette question à Kathy Ryan il y a quelques mois. Comment réagiriez-vous si les seules images que vous pouviez utiliser sur un événement majeur d’actualité n’étaient disponibles que sur Instagram (ou une telle plate-forme) et capturées par des photojournalistes citoyens?
MMN: Dans ce cas précis, si aucun photographe professionnel n’est sur le terrain, je choisis probablement d’utiliser ces images. Mais Il faudrait avoir la confirmation que ces photos soient des illustrations de faits réels. A titre d’exemple, beaucoup de ces photos de citoyens qui ont été prises en Syrie ont été utilisées et ont été vérifiées avant leur publication. S’était insérée une note au bas de chaque image: « L’AP confirme qu’il s’agit d’une image vérifiée. » Mais la majeur partie du temps, quand je vois ces matériaux, j’ai davantage le souhait de voir ce qu’un photojournaliste professionnel aurait pu faire en étant sur place. Je reste toujours sur ce genre de sentiment.
Avez-vous une préférence en photographie?
MMN: Bien sûr, documentaire ou reportage. Mais je regarde tout ce qui se fait, dans les galeries, les musées, les livres, etc.
Qu’attendez-vous de la photographie en terme d’innovation?
MMN: Je ne sais pas si j’attends quelque chose en particulier. Je devrais, peut-être. En ce moment, comme dit précédemment, je vois des expérimentations avec la combinaison de plusieurs mediums : photo, audio, vidéo, etc. C’est en quelque sorte une innovation.
Alors, comment voyez-vous l’avenir de la photographie?
MMN: Et bien, j’espère que nous deviendrons un peu « rétro », dans le sens où je considère que tout le monde ne peut prendre une photo publiée. Je suis toujours attaché à travailler avec un photographe professionnel. Quelqu’un qui a été formé, qui est intelligent, à qui je peux faire confiance, qui sait immortaliser des événements sur le terrain et comprendre comment nous devons les couvrir.
Donc, vous préférez la qualité à la quantité?
MMN: Exactement!
Interview réalisée par Jonas Cuénin