Aline Manoukian est une passionaria. Séduisante, voluptueuse, elle baigne dans la photographie depuis toujours et défends avec fougue son métier. Aline Manoukian est iconographe, depuis 2010 elle est la présidente de l’ANI, l’Association Nationale des Iconographes, une association qu’elle défend corps et âme.
Après des études d’Histoire de la photographie en Californie au début des années 80, elle décide de retourner au Liban, son pays natal. Elle travaille alors comme photographe pour le Daily Star avant d’intégrer l’équipe de Reuters au Liban où elle dirige le service photo. Elle continue en même temps d’exercer la photographie en couvrant la guerre à partir de 1982.
A la fin de la guerre, elle décide de venir en France où elle rejoint Rapho avant de décider de faire une pause pour se consacrer à sa vie privée. Quelques années plus tard, la photographie a changé avec le numérique. Aline n’a pas les moyens de renouveler tout son matériel, elle décide de devenir iconographe.
Parlez-nous du métier d’iconographe.
« Derrière une iconographe, il y a une culture générale et une véritable culture de l’image. Quand on est iconographe, on raconte l’histoire par des images. Nous sommes des directeurs photo. Aujourd’hui, c’est une fonction qui a tendance à disparaître au profit des directeurs artistiques. Or, ce n’est absolument pas la même chose. Le directeur artistique a un œil graphique, mais pas photographique. Nous choisissons une photographie pour sa valeur photographique et non pour sa qualité artistique.
Les rédactions n’ont plus les budgets et la qualité n’est plus un critère. Nous nous dirigeons de plus en plus vers l’ère des agences à bas prix. Je travaille en free lance pour plusieurs magazines. Il m’est arrivé de faire un remplacement dans une rédaction où l’on me demandait de trouver tout ce qui était possible sur une personnalité. Je devais faire 3 enveloppes, la première pour les photographies gratuites, la seconde étaient réservées aux « pas chères » et enfin la dernière aux « chères » qui correspondait en fait aux prix normaux. C’est scandaleux. On m’a demandé de faire des paquets, pas de faire un choix !
Comment s’en sort un jeune photographe aujourd’hui ?
Les jeunes photographes ont toujours fait un travail alimentaire, mais ils faisaient ce qu’on appelle du stock. S’ils partaient en Equateur pour un reportage de fond, ils en profitaient aussi pour photographier des sujets plus anodins, comme la flore par exemple. Ils vendaient alors leurs images d’ananas à des rédactions et cela leur permettait de vivre de leur métier. (On rémunérait alors le photographe selon le tirage du magazine et le format de l’image).
Maintenant c’est terminé, cela n’existe plus car pour des images d’ananas, les rédactions utilisent internet et des systèmes comme Fotolia.
Il n’y a pas quelque chose de positif dans tout cela ?
La seule chose que je trouve positive dans tout ce merdier, c’est que cela va permettre de filtrer beaucoup de gens. Les plus déterminés vont rester. Les relations se sont aussi beaucoup améliorées dans le milieu car il n’y a plus de grosses têtes, on est tous sur un siège éjectable.
Quelle image choisiriez-vous si vous deviez illustrer votre interview ?
« Une photographie qui me touche…Celle de Tom Stoddart où l’on voit une mère sans jambes, les bras ouvert avec un enfant courant vers elle. C’est une des photographies les plus puissantes que j’ai vu ces dernières années. Quand on est incapable de penser à cette photographie lorsque l’occasion se présente et bien c’est extrêmement dommage, car cela signifie qu’elle reste dans les tiroirs. On ne peut pas trouver cette photographie sur Google avec des mots clés. Elle ne va pas sortir par hasard, il faut la connaître.