Actualité par Thierry Maindrault
Tout autour de moi, depuis quelques années, cela revient régulièrement à mes oreilles. « Qu’est-ce que c’est nul ? Comment peut-on être aussi incompétent en se poussant du col ? Toutes les professions sont concernées, du banquier au plombier, du notaire au soudeur, etc. Il faut dire que notre petite pandémie n’a rien fait pour améliorer l’agilité des doigts et du cerveau de nombre d’entre nous (je fais certainement partie du lot !)
Ce qui est navrant, c’est que le milieu prétendu « artistique » qui se trouvait déjà sur une pente très savonneuse, avant ce virus, semble s’être totalement perdu après. La multitude, à la mode, des manifestations photographiques formant des porte-drapeaux emblématiques de cette stupidité.
Je vous partage des extraits de mes trois dernières anecdotes.
Aix-en-Provence, petite compétition intellectuelle et picturale entre un peintre (François Marius Granet, 1775-1849) et un photographe (Bernard Plossu, contemporain), tous les deux connus et reconnus. Vernissage programmé à 18 h 30, carton d’invitation en main. Les invités arrivent, barrière de sécurité et contrôle, puis ils sont parqués dans une courette intérieure du musée. Surprise, l’exposition est complètement fermée ; car, pour le prestige des blablateurs de service, les portes ne devraient s’ouvrir qu’après les stupides discours, sans intérêt, des personnalités et le début de l’apéro. Vous l’aurez vite compris, je n’ai rien vu et rien bu. A 19 h 00, les personnalités étaient encore attendues, mes amis photographes invités et moi-même étions sur le départ (250 km, pour un -circulez il n’y a rien à voir-). Situation très étonnante compte tenu que le commissaire de cette exposition est le patron du musée en personne (Bruno Ely), assisté de sa directrice du pôle de la conservation du musée. De surcroît, la communication et l’événementiel étaient entre les mains de la direction de la communication (Véronique Staïner et Johan Kraft) de la Ville d’Aix-en-Provence. Je m’étonne que de tels professionnels puissent occulter l’intérêt pour les œuvres qui est la priorité absolue des personnes qui se sont déplacées. Ce ne fut malheureusement pas la seule bavure de cette pittoresque manifestation. Cerise sur le gâteau, cette exposition est incluse et soutenue par Grand Arles Express 2022 [Rencontres de la Photographie].
Villes du PassCop (banlieue parisienne), une communauté de communes (cette couche administrative supplémentaire qui a récupéré tout un tas de compétences volées aux villes qui la composent), dont la culture qui fait partie de ce lot de services publics centralisés. Organisation d’un Festival de la Photographie (un de plus, c’est la mode), pourquoi pas ? Un de nos collègues, créateur photographe de talent, a été sollicité pour fournir quelques photographies (sous forme de fichiers numériques, sans autres indications). Sans savoir ni où, ni comment ses images qui seront retenues par un jury (à la composition inconnue) seront exposées. Pendant le vernissage, il apprend que ses œuvres sont exposées à Chennevières, une commune de la communauté (cela va de soi). J’ai la chance d’être le sujet d’une des photographies sélectionnées. Une vraie chance ! Les photographies, installées sur des bâches, étaient accrochées sur des rambardes de trottoirs, sous quelques arbres. Mon ami m’a certifié que jamais autant de chiens m’ont pissé dessus et que je n’ai jamais reçu autant de fientes de pigeons sur la tête. Fort heureusement mon chapeau était bien sur cette photographie. Pour ce qui concerne les amateurs ou les curieux de la relation à l’image, le quatre pattes canin était obligatoire. Toutes mes félicitations au commissaire de cette exposition très récréative et au brillant scénographe qui devraient, tous les deux, reprendre quelques cours du soir dans leur école préférée.
Arles, le Festival Européen de la Photographie de Nu qui n’est pas un nouveau-né, c’est le vingtième anniversaire de cette manifestation très honorable. Avec pour cette année un plateau assez relevé de créateurs européens plutôt meilleurs que par le passé. Le programme, publié sur internet, m’avait mis l’eau à la bouche avec quelques belles présentations. Premier délire, la manifestation ne dure que quatre jours. C’est ahurissant, la capitale prétendue mondiale de la photographie a déjà perdu quelques plumes ; mais là, c’est un top, elle en rajoute. L’investissement demandé aux photographes, les tirages, les accrochages, les voyages, les heures de travail des organisateurs pour une seule fin de semaine ouverte au public (et aux autres). En sus, toutes les expositions étaient fermées au public avant et pendant le vernissage à 19 h00, la chapelle Saintes Anne, le seul local ouvert des trois bâtiments officiels d’exposition. Vernissage, si l’on peut encore l’appeler comme cela dans une telle manifestation. Pas de Maire (Patrick de Carolis), pas d’adjointe à la culture (Claire de Causans), tous les deux pointaient aux abonnés absents. Seul et isolé, le président (Bruno Rédarès), un peu dépassé par le retour de son Festival sur le devant de la scène, s’agitait. Sinon personne… sauf les préposés municipaux qui s’étaient activés à la fermeture des locaux ; leur empressement pour assurer cette mission était telle que l’un des exposants ne pouvait plus récupérer ses affaires personnelles bloquées dans l’archevêché. Les discours, coté politique, nous ont été épargnés, c’était toujours cela de gagné. Pour l’apéro (je n’étais pas venu pour cela, depuis le début d’après midi, donc pas de soucis), selon le président, il a été repoussé au finissage du dimanche soir. Les finissages aussi sont de ces innovations commerciales et bizarres très à la mode dans les galeries, les festivals qui n’ont rien compris se sentent obligés de suivre sottement, sans aucune justification. Je n’ai pas pu rencontrer un seul de la trentaine d’auteurs exposants, les badges de presse avaient également été oubliés et tant pis pour les photographes présents qui auraient aimé bavarder. J’ai par ailleurs bien remarqué que les gens, venus de l’extérieur, dérangeaient manifestement les aficionados et autres courtisans locaux.
Thierry Maindrault