Monique Jacot 1934-2024 et l’exposition La figura e i suoi doppi / La figure et ses doubles/ The figure and it’s doubles au Palazzetto Bru Zane, Venise
Nous avons appris le décès de Monique Jacot le 6 août, quelques jours avant son 90e anniversaire.
Née en Suisse romande en 1934, elle a suivi une formation photographique à l’Ecole des Arts et Métiers de Vevey (aujourd’hui Centre d’enseignement professionnel – CEPV) où enseignait notamment Gertrude Fehr (1895-1996). Gertrude Fehr prônait une formation solide mettant l’accent sur la technique photographique, l’éclairage et la composition. Pour ses condisciples (dont son ami de toujours Jean-Loup Sieff), Jacot se distinguait par la recherche d’une plus grande liberté d’expression au cours de sa formation.
On a parfois tendance à l’oublier aujourd’hui, mais le monde était alors « évidemment » masculin. Elle réussit à franchir cette frontière tacite peu après l’obtention de son diplôme en 1956 et à s’imposer en tant que photojournaliste. En même temps, elle franchit la barrière linguistique, car elle travaille non seulement pour la presse francophone, mais se fait aussi connaître dans les milieux germanophones. Elle réalise des reportages pour l’Illustré, Schweizer Illustrierte, Die Woche et est également publiée dans des publications internationales telles que Camera, Elle, Geo, Stern, Time, The Times & Vogue.
Engagement
Les photographies de Monique Jacot représentent une vision humaniste du monde. Toute sa vie, elle a voyagé inlassablement en Amérique du Nord, en Asie et en Afrique. En 1959, elle a commencé à travailler pour l’Organisation Mondiale de la Santé.
Dans les années 1980, elle concentre son travail sur la condition féminine en Suisse, ce qui se traduit par une série de publications à partir de 1989. Femmes de la terre ouvre la série, suivie par Printemps de femmes en 1994 et conclue par Cadences : l’usine au féminin (1999).
Recherche artistique et expérimentation
Jacot est toujours à la recherche des possibilités expressives de la photographie. Elle a découvert le Polaroïd dans les années 1970 et, dans les années 1980 et 1990, elle a multiplié les expériences avec les héliogrammes, entre autres, où elle a exploré les limites du photogramme et de l’héliogravure. Certaines de ces œuvres sont publiées dans le livre À jour en 2002. Ces travaux sont récompensés par le Grand Prix suisse du design en 2020.
En 2022, Photo Élysée initie l’exposition Monique Jacot : La figure et ses doubles à Lausanne, Suisse. Cette exposition est maintenant reprise au Palazzetto Bru Zane, Venise, Italie, jusqu’au 14.09.2024, avec une sélection d’œuvres centrées sur les femmes et l’expérimentation avec un sens de la poésie, de l’humour et du surréalisme au quotidien.
En regardant son travail, on est impressionné par la puissance et le large spectre de son œuvre. La qualité de son travail est diamétralement opposée à sa notoriété hors de Suisse. Est-ce dû au manque d’efforts pour mettre en valeur les artistes du pays d’origine, à la surprotection des images, à la complaisance du champ culturel international à l’égard de l’inconnu, à la discrimination à l’égard des petites communautés culturelles… je n’ai pas de réponse.
Mais ce que je sais, c’est qu’avec son œuvre très variée, qui comprend du photojournalisme humaniste, de la photographie de voyage ainsi que sa propre expression créative plus expérimentale, elle est aujourd’hui considérée comme l’une des plus importantes photographes suisses, qui mérite certainement une plus grande attention internationale.
John Devos
Johndevos.photo (a) gmail.com
A visiter absolument :
La figura e i suoi doppi / La figure et ses doubles/ The figure and it’s doubles, Palazzetto Bru Zane, Venise, Italie encore jusqu’au 14.09.2024.