Pour sa deuxième exposition à la galerie, in camera présente une vingtaine d’oeuvres de Sissi Farassat.
L’artiste Sissi Farassat (née en 1969 à Téhéran), basée à Vienne, a toujours suivi le rythme de son propre tambour, élargissant continuellement les notions traditionnelles du médium de la photographie. Depuis des années, elle explore et conçoit diverses techniques afin de décélérer le processus photographique et la façon dont nous voyons ses œuvres. Pour Farassat, la photo et le tirage ne sont que le début de son voyage créatif, car ce qui suit sont de longues journées et soirées de travail manuel élaboré et de délicates altérations. Le tirage est souvent brodé, perforé, clouté de pierres et de paillettes, décoré de fils ou de guirlandes, des pratiques qui étaient autrefois considérées comme de l’artisanat féminin, mais qui se sont depuis largement répandues.
Par la suite, dans sa dernière série, Sissi Farassat réinvente ce qui l’intéresse le plus dans la photographie, à savoir jouer avec ce qui est visible et ce qui se passe dans notre esprit lorsque nous regardons des images. À cette fin, elle a collecté de vieilles photographies anonymes sur les marchés aux puces d’Europe, généralement des portraits ou des nus, et a découpé des passe-partout qui ne laissent apparaître que certaines parties de ces tirages. La taille du cadre et l’emplacement de l’ouverture du passe-partout renseignent le spectateur sur l’image sans la dévoiler complètement. Ici, c’est l’imagination du spectateur qui doit combler le reste. L’anonymat de la personne représentée et la dissimulation délibérée de la majeure partie de l’image jouent avec les limites contemporaines de la vie privée et du droit à l’image, ainsi qu’avec l’omniprésence de l’exhibitionnisme et du voyeurisme dans les réseaux sociaux.
Ce travail répond clairement à la pratique antérieure de l’artiste, qui cherchait à faire ressortir l’instant photographique par la contemplation, le travail manuel et une manipulation élaborée. Bien qu’elle cherche toujours à orner formellement, voire à ennoblir, les tirages photographiques et à leur conférer une dimension plastique et haptique, elle entend également concentrer notre attention et, ce faisant, s’interroger sur ce que nous voyons, comment et pourquoi.
Daniel Blochwitz
Sissi Farassat est née à Téhéran en 1969 où elle a passé une partie de son enfance avant de s’installer à Vienne en 1978.
Diplômée de l’International Summer Academy et de la School of Fine Art de Vienne, l’artiste transforme des objets de la vie courante en symboles d’identité d’aspect plus fantaisiste, étoffant ses photographies de paillettes et de matières colorées. Contrairement à d’autres formes de photographies retouchées (comme le collage et les photos coloriées ou peintes à la main), la couture et la broderie sont des techniques où la surface de l’image se trouve perforée. Ces gestes artisanaux constituent une pratique vaudou, douce et contemplative, qui transforme la surface de l’image, en la scindant en de nombreuses petites particules, et en pénétrant également à l’arrière de la photo. Sissi Farassat applique ainsi des rehauts à ses photographies avec des fils entrecroisés ou des tapis de paillettes, qui apportent des qualités physiques et texturales à l’image.
Les photographies, protégées par du verre, sont souvent sujettes à des effets de réfraction de lumière. Mais le verre « scelle » aussi la surface photographique et empêche tout contact direct avec notre regard. Dans des chambres intimes ou des intérieurs « banals », Sissi Farassat réalise des autoportraits, et des portraits d’amis ou de membres de sa famille. Broder une photo peut prendre des semaines, et amène l’artiste à se confronter personnellement avec ses sujets photographiés, dans ce lent et patient travail manuel.
Sissi Farassat
30 mars – 27 mai 2023
in camera galerie
21, rue Las Cases
75007 Paris
www.incamera.fr