Pour sa première exposition à la galerie, in camera présente une quinzaine de tirages du photographe américain Mark Steinmetz, extraits de ses differrentes series de photographies prises aux États-Unis. Peter Galassi, l’ancien Conservateur en chef de la photographie au MoMA de New York écrit:
Une fois, j’ai fait partie d’un jury dans un procès criminel mineur. Le procès en lui-même s’est déroulé sans particularité, mais je n’oublierai jamais deux éléments des instructions du juge au jury. Le premier était son argument selon lequel le « doute raisonnable » signifie ce qui est dit : il ne suffit pas qu’un juré fasse valoir un vague doute ou une intuition ; il doit y avoir une raison à cela. Le deuxième était son conseil sur la façon d’évaluer les témoignages contradictoires : il n’y a pas de critères spéciaux qui s’appliquent uniquement au tribunal. Pour décider qui ment et qui dit la vérité, le juré utilise le même radar humain qu’il a développé pour naviguer dans la vie quotidienne.
Il n’y a pas non plus de critères particuliers pour la photographie. Les photographies en général, en particulier les photographies de personnes, et surtout les photographies d’individus proposent une relation entre le spectateur et le sujet. En regardant l’image, nous évaluons le caractère de cette relation. Est-ce spontané ou calculé, franc ou sournois, superficiel ou approfondi, généreux ou mesquin, fascinant ou ennuyeux ? Est-ce honnête ou malhonnête ?
Mark Steinmetz travaille dans une vénérable tradition de recherche photographique qui mise tout sur l’ordinaire. Chaque photo est le fruit d’une rencontre imprévue : si le photographe sait plus ou moins où il va, il ne peut pas savoir précisément ce qu’il va trouver. Une accumulation de ces perceptions improvisées peut constituer à la fois un monde et une manière de le regarder.
Un savoir-faire supérieur ne doit pas nécessairement jouer un rôle dans cette réussite, mais dans le cas de Steinmetz, c’est le cas. La précision avec laquelle ses images rendent une mèche de cheveux, le pli d’un tissu ou la lumière dorée (en noir et blanc !) est à la fois vecteur d’observation attentive et métaphore d’une patiente attention. Cela donne une aura de délicatesse aux scènes sans personnages, qui sont nombreuses pour un photographe si franchement engagé par les gens. Il est tentant de dire que les lieux de Steinmetz ont des personnalités.
Les paramètres socio-économiques du monde que Steinmetz a choisi d’explorer sont assez évidents, et il ne les souligne ni ne les évite. Ce qu’il recherche est beaucoup plus personnel ou, peut-être vaut-il mieux dire, beaucoup plus individuel (car il n’y a aucune raison de croire que le photographe ait jamais rencontré l’un de ses sujets ou les reverra un jour). En effet, la marque distinctive du travail de Steinmetz – la qualité qui nous fait faire confiance à son témoignage – est peut-être la constance sans faille avec laquelle ses photographies suscitent un grave intérêt pour certaines personnes sans revendiquer une intimité ou une perspicacité non méritée.
Peter Galassi
Conservateur en chef de la photographie au MoMA de 1991 à 2011
Extrait de South East, édition Nazraeli Press
Mark Steinmetz : Young Americans
Jusqu’au 18 mai 2024
in camera galerie
21 rue Las Cases
75007 Paris
www.incamera.fr
+33 (0) 1 47 05 51 77
du mardi au samedi de 14h à 19h