Née en Bulgarie, fille d’une peintre de renom, Eugenia Maximova pratique une photographie documentaire sans effets mais toute en finesse. Nous avions remarqué, dans Le Journal, ses « cuisines des Balkans » dont les espaces pastels se lisaient comme une organisation de signes affirmant une culture commune. Un sentiment étale du temps, une belle distance, une respiration naturelle achevaient de convaincre pour cette série silencieuse qui disait sereinement tellement de choses.
Si elle continue à explorer les intérieurs post-soviétiques avec la même démarche qui accorde davantage d’importance au temps, aux contradictions d’un temps qui semble à la fois arrêté dans l’histoire et projeté dans un univers contemporain où il apparaît déplacé. Ses visions de papier peint – qui vont très certainement redevenir à la mode – tout comme son attention minutieuse aux changements de mode de vie que permettent de décrypter les objets construisent une exploration sobre et à la fois étonnamment riche d’univers intimes et du quotidien.
La série exposée, bien qu’elle aussi sans effets, est plus spectaculaire. Elle inventorie les manifestations esthétiques grandiloquentes et désespérantes d’une nouvelle mode funéraire en Russie et dans les anciens pays du bloc de l’Est et de l’Union Soviétique. Granit noir ou marbre de même couleur sont gravés de reproductions au laser de photographies des défunts. Des images quotidiennes, mais aussi d’invraisemblables compositions symbolistes dans lesquelles le mafieux – il semble que c’est de là qu’est partie la tendance – se montrent en costard croisé près de leur grosse voiture et sur fond de maison imposante. Les jeunes – ou moins jeunes – femmes ne sont pas en reste, qui accompagnent une pluri-championne Olympique à la poutre, une danseuse de flamenco célèbre dans on ne sait quelle République, mais aussi un chauffeur de taxi dans sa voiture, un médecin, un bon vivant faisant bombance et jusqu’à un bébé avec son téléphone portable. Plus austère, plus conceptuelles, quelques tombes érigent simplement un avion de chasse – pour évoquer son pilote -, un semi-remorque pour un chauffeur disparu ou, davantage dans la tradition romantique de l’Est, un envol d’oiseaux ou des bouleaux brisés.
Un richissime s’est fait construire un monument à sa gloire muni de sa rivière indépendante quand, c’est la dernière touche de richesse –et donc de pouvoir – l’absolu du kitsch est atteint avec la mise en couleurs de quelques fleurs gravées ou de quelques éléments du décor ou du vêtement.
Cette héroisation de tout un chacun, cette affirmation, par delà la mort, de l’importance du statut social méritaient bien un travail aussi respectueux, fin, sans caricature et toujours cadré à la distance juste.
Christian Caujolle
Eugenia Maximova: Destination eternity
Festival Image Singulières
Du 8 au 26 mai 2013
Maison De L’image Documentaire
Sète
France