Ernest Hemingway fut sans aucun doute le premier citoyen du Monde. Bien avant les hippies et le culte du voyage, il est allé voir ailleurs, loin de son Amérique natale. Une curiosité voluptueuse, gourmande, sensuelle. Pour que l’admiration pour la beauté des villes, leurs musées se prolonge au- delà : avec le contact des habitants, le plaisir de la fête, des amis rencontrés, des femmes et de la chasse, On connaît le Hemingway de la guerre d’Espagne qui se passionne pour la corrida. Celui de l’après- seconde guerre mondiale, visiteur permanent d’un Paris qui est alors le centre mondial des arts et de la création . On y associera parallèlement le Hemingway pilier de bar du Ritz. On connaît le Hemingway de la pêche au gros à Cuba, l ’Africain à la chasse aux fauves. Mais on sait moins qu’il fut Vénitien, amoureux d’une région et d’une ville à laquelle il déclara avoir donné son cœur.
Pour le cinquantième anniversaire de sa mort, Venise lui consacre une exposition photo. On y dévoile des documents rares ou inédits et un livre /catalogue riche d’informations. Sur des moments essentiels dans l’intimité du grand écrivain, homme à l’appétit de vie gargantuesque et qui trouve dans ce coin d’Italie ce qu’il cherche: les plaisirs de la chair, l’amour, l’amitié. Sans oublier la chasse et la pêche dans les marées et tout cela en vivant dans un décor grandiose d’opéra. Il faut dire que cette histoire d’amour remonte à fort loin, quand un kid de l’Illinois s’engage dans la Croix Rouge américaine en 1918 et se retrouve dans le Veneto. Il y sera blessé dans un accident et y passera plusieurs mois de convalescence. Ce sont ces photos du soldat Hemingway, en mission puis avec des béquilles, qui ouvrent l’expo. Notons que durant cette première période italienne, il se liera avec un autre futur grand de la littérature américaine, John Dos Passos.
1948: trente ans se sont écoulés. Hemingway revient en Vénétie au volant d’une Buick pour visiter les lieux et les gens, à la recherche des souvenirs de sa jeunesse. On doit une grande partie de ce récit photographique, chronique de ces longs mois de bonheur à Venise, entrecoupée par des séjours à Cortina d’Ampezzo, à un jeune homme qui deviendra célèbre à son tour, l’architecte et designer Ettore Sottsass. Ainsi seront immortalisés ces moments où Hemingway explore la région, se promène sur les marchés et voue un culte à l’amitié et au valpolicella. Il habite alors l’île de Torcello, dans l’auberge des Cipriani dont il devient l’ami ou au Palais Gritti Toujours présentes, les femmes, qui jouèrent un rôle essentiel dans sa vie. Une vie en Vénétie heureuse, et une dernière passion pour Adriana Ivancich, qui donnera naissance à un très beau livre Au delà du fleuve et sous les arbres.
Autre curiosité de cette exposition: des photos prises par le maître lui–même, lors de séances de pêche ou de chasse qui n’étaient pas sans rappeler l’enfance. Mais surtout des images émouvantes, complicités amoureuses ou amicales, d’un bonheur de vivre qui durera jusqu’en 1949. Dernière partie de l’exposition : les photos qui montrent Hemingway retrouvant, en 1954, Venise et le Palais Gritti de retour d’un séjour africain où il fut blessé.
En 1961 Ernest Hemingway met fin à ses jours avec son fusil de chasse. Venise, son amour, n’a pas oublié de lui rendre hommage.
Paul Alessandrini
Mostra Fotografica
Jusqu’au 15 mai
Il Veneto Di Hemingway
Istituto Veneto di scienze lettere et arti
Campo S. Stefano, 2945
30124 Venezia
Il Veneto di Hemingway, Rosella Mamoli Zorzi, Gianni Moriani, Antiga Edizioni (2011)