Extérieurs et Intérieurs d’une Pandémie
Cette série prend la forme d’un journal intime photographique, commencé fin février 2020, alors que la pandémie de Covid-19 se propageait rapidement et avançait inexorablement vers New York. Très vite, je me suis retrouvé à documenter son impact sur le paysage de New York. C’était un choc de parcourir la ville à vélo, de mon appartement dans le Bronx à Times Square, puis jusqu’à Brooklyn, et de voir les rues autrefois animées soudainement désertes. Après tout, c’est la ville qui ne dort jamais.
Photographier dans ces conditions donnait l’impression que la notion de Moment décisif, telle que l’évoquait Henri Cartier-Bresson, avait pratiquement disparu. Ou peut-être que ce vide lui-même—provoqué par les confinements—était devenu le Moment décisif. Et nous allions bientôt découvrir à quel point cette période serait déterminante.
Peu après, à la suite de la crise sanitaire et de l’immense perte humaine qu’elle a engendrée, est survenue la révolte contre le racisme. Au plus fort de la pandémie, jusqu’à 26 millions de personnes aux États-Unis sont descendues dans la rue pour protester contre le meurtre de George Floyd et les violences policières. Dans cette série d’images, la pandémie et la rébellion antiraciste se sont mêlées—devenant indissociables. Et pour cause : je pense que nous regarderons cette époque à travers ce double prisme—celui d’un moment de crise profonde et d’un puissant soulèvement contre l’inaction du gouvernement et le racisme institutionnalisé.
Avec la levée des restrictions de voyage, la série s’est élargie—non seulement géographiquement, mais aussi en perspective. J’ai pu photographier à San Juan, à Porto Rico, ainsi qu’à Mexico et plus tard à Oaxaca. Là, j’ai observé des populations traversant la pandémie avec une résilience remarquable, respectant le port du masque tout en embrassant pleinement la vie.
Finalement, ces images sont un hommage à New York. J’ai revisité les stations de métro, les rues et les parcs de la ville qui fut mon foyer pendant 31 ans—non seulement pour y chercher du réconfort durant les confinements, mais aussi dans une démarche de redécouverte. Le confinement a forcé New York à un arrêt brutal. La frénésie quotidienne a été suspendue, et pour une fois, il y avait du temps pour s’arrêter, observer et réellement voir la ville.