Avec l’arrivée de la nouvelle technologie dans le domaine du journalisme, la question du vrai et du faux n’a peut-être jamais été si présente. État des lieux des médias et de l’information à l’heure de l’IA.
« Il y a une force du faux. Nous n’aimons pas être contredit. » met en garde le célèbre physicien Étienne Klein, producteur de l’émission « La conversation scientifique » sur France Culture. Il ajoute : « Il y a un bon et un mauvais esprit critique comme un bon et un mauvais cholestérol. Le bon c’est celui où la pensée est critique avec elle-même. Le mauvais quand on ne doute plus jamais de soi, mais seulement des autres. » Il fait notamment référence aux « platistes », celles et ceux qui croient que la Terre serait plate via le monde du complotisme, nourris par des réseaux sociaux mensongers. « Des platistes, on en trouve tout autour du globe » s’amuse-t-il tout en déplorant que nous ayons une « mauvaise connaissance de la connaissance. »
Les effets de la désinformation sont en effet amplifiées avec l’IA assurent tous les participants de la table-ronde qui rappellent combien les « deepfake » sont devenus précis. Des images truquées qui peuvent influencer au dernier moment une élection. « L’IA permet de produire de la désinformation avec des moyens industriels » s’alarme ainsi Julien Pain, journaliste, présentateur de l’émission « Vrai ou Faux » sur franceinfo.tv. Il estime que le journaliste « fact-checkeur » a de moins en moins de force devant les nouveaux procédés de désinformation via l’IA.
L’IA contre l’IA
« L’IA est le reflet total de ce que nous sommes » insiste de son côté Françoise Soulié-Fogelman, conseillère scientifique au Hub France IA, « il faut apprendre à se servir de la bête. Plus on s’en sert, plus on apprend et c’est ainsi qu’on pourra déjouer la désinformation. Avec l’IA. » Soit l’IA contre l’IA. « N’oublions pas que l’IA a des biais comme nous en avons » insiste de son côté Julien Pain qui plaide pour que le grand public retrouve un lien de confiance avec les experts que sont les journalistes.
La question est aussi comment les journalistes eux-mêmes se servent de l’IA. Le dessinateur KAK est venu témoigner de l’utilisation de la machine dans le domaine du dessin de presse et avoue que des traducteurs du journal L’Opinion ont déjà été remplacés par l’IA. « Il y a quarante ans, quand j’étais étudiant, nous prenions des semaines à trouver une réponse. Il y avait une vraie joie intellectuelle à chercher la vérité. Aujourd’hui, mes étudiants demandent à l’IA et l’ont en quelques secondes. Nous avons perdu cette joie intellectuelle » s’attriste pour sa part Étienne Klein.
Par Jean-Baptiste Gauvin