L’Hotel Fontfreyde, Centre Photographique de Clermont Ferrand présente jusqu’au 1er juin une exposition de Yan Morvan intitulée Résistances Mémorielles. Il la présente ainsi.
Sur le fil du rasoir
Le bus des « envoyés spéciaux » de la presse « internationale » rallie Teheran jusqu’au Chatt-el-arab, lieu de la bataille entre l’Irak et l’Iran pour la possession des terminaux pétroliers.Nous nous arrêtons, de nuit, sur une hauteur dominant les villes de Khorammshar et Abadan. Les combats se déroulent depuis au moins trois semaines.
C’est mon premier conflit. Nous sommes en octobre 1980. Avec un confrère de la BBC nous observons depuis notre promontoire la bataille qui fait rage. L’horizon est rouge de feu sur 180° et un roulement infernal rythme en permanence le bruit de la canonnade. Nous sommes à plus de 100 kms de la guerre, la mort est déjà là.
Dans ce chaudron infernal des milliers d’homme sont en tain de se battre et de mourir.
Le lendemain nous voilà à Khorammshar. Une accalmie nous permet de « visiter » le front faire des photos, filmer. Des enfants, armés comme des adultes sortent des trous, nous font le signe de la victoire en souriant. Nous repartons très vite, les bombardements ont repris et l’officier de presse tient autant qu’à sa vie à votre sécurité.
Aout 2023, le front de Bakhmout en Ukraine n’est pas accessible aux journalistes « non accrédités ».
Avec un confrère Nicolas Cleuet, nous revêtons des « uniformes » de « Volontaires » pour accéder aux lignes zéro, face à l’envahisseur russe.
Les gars dans la tranchée sont en bras de chemise, savates aux pieds. Ils alimentent un vieux mortier soviétique de 120mm avec des roquettes de fabrication américaine destinées aux lignes ennemis situées à quatre ou cinq kilomètres.
Les munitions sont comptées, il n’y en a guère. Après chaque départ on entend le drone d’en face qui vient essayer de repérer l’origine des tirs. Tout le monde se jette à plat ventre. On croise les doigts. Les arrivées de mortier se rapprochent, il est temps pour les « volontaires » de partir…
La guerre s’étend. Europe, Afrique, Moyen-Orient. Les guerres civiles larvées aussi. Revendications identitaires, conflits de géographie. La menace n’a jamais été aussi proche d’ un embrasement généralisé.
Les apprentis sorciers de la géopolitique n’ont pas appris les leçons de l’histoire. Après la chute de Rome, il fallut cinq siècles pour retrouver une amorce de renaissance occidentale. Les traces sont maigres, écriture, documents, architecture.
Paradoxalement notre époque multiplie les éléments d’information, en vrac, sans commentaires, ou bien d’avis biaisées en fonction de chaque camp.
« La première victime de la guerre , c’est toujours la vérité », professait Rudyard Kipling. Il oubliait les humains, chair à carnage, otages de la vanité et l’orgueil des puissants.
Toutes les guerres se ressemblent, sous toutes les latitudes.sous tous les tropiques.
Photographier la guerre, c’est accumuler la tragédie et l’absurdité d’une humanité folle et désespérée courant au suicide.
« Homo homini lupus » disait les anciens, les animaux tuent pour se défendre ou manger, pas par plaisir.
Photographier la guerre, c’est accumuler les témoignages, enrichir la mémoire de ceux qui viendront en espérant qu’un jour peut-être, la paix reviendra.
Yan Morvan : Résistances Mémorielles
7 mars – 1er juin 2024
Hotel de Fontfreyde, Centre Photographique
34 Rue des Gras
63000 Clermont-Ferrand, France
https://clermont-ferrand.fr/hotel-fontfreyde-centre-photographique