L’intuition, comme mode de dévoilement de l’indicible prend souvent la forme d’un sentiment d’évidence. C’est cet effet de saisissement, de connaissance soudaine, indubitable, que délivre le travail photographique de Michel Follorou dans cette exposition inédite. En trente tableaux photographiques, l’artiste nous fait partager ce que son œil recueille d’essentiel des effets fugitifs de la lumière et des couleurs sur la matière.
Depuis 10 ans, Michel Follorou, inlassablement, avec une rare constance, photographie le même mètre carré d’un mur d’une église en Bretagne, dont il capte la beauté inimitable de la lumière des vitraux projetée, tels des tableaux peints, sur la pierre.
Michel Follorou sait s’en saisir, capter les rayonnements si subtils et en faire son sujet, et ce jusqu’à tarir la source de ce mur pauvre.
Par sa maitrise des formes il en élargit le simple cadre et nous dévoile l’indicible. Ses tableaux photographiques expriment la joie, la profondeur, la quête de la source créant ainsi une oeuvre brute, totale, achevée.
Il nous montre ici, magnifiquement, pour citer Susan Sontag, que les photographies qui ne peuvent rien expliquer par elles-mêmes sont d’inépuisables incitations à déduire, à spéculer et à fantasmer.
Extraits d’un texte de Michel Onfray écrit sur l’artiste Michel Follorou
« Quand la photographie apparaît en occident, on découvre qu’elle est paradoxalement un instrument primitif rendu possible par la technique moderne. Primitif parce que, l’étymologie le dit, elle est écriture par la lumière, écriture de la lumière, écriture avec la lumière. Moderne parce qu’il faut les produits chimiques qui permettent l’alchimie du révélateur à l’origine de l’épiphanie du réel fixé sur le verre puis le papier. Michel Follorou emprunte ce chemin d’écriture du monde avec la lumière et la fixation de la dynamique du monde dans l’instant figé d’une photo. »
« Regarder ce qu’on ne regarde jamais avec la complicité du vitrail qui parle en silence et nous enseigne les vérités de base de toute sagesse, c’est effectuer un travail non pas de philosophe qui cherche mais de sage qui trouve et qui sait. Ces photographies sont celles d’une surface d’un seul mètre carré, mais elles parviennent en même temps à nous renseigner sur les deux infinis de Pascal : une vue de l’infiniment petit qu’obtiendrait un microscope électronique qui entrerait dans le détail des atomes, une vue de l’infiniment grand d’un télescope géant qui fouille les entrailles des univers bruissant silencieusement à des millions d’années-lumière. Le grain de la pierre, la texture du mur, les aspérités de l’enduit, la croûte lépreuse de la paroi, le lissage strié obtenu par l’outil des hommes, l’efflorescence du champignon d’humidité, les petits trous et les cicatrices, les angles de la maçonnerie, tout cela creuse la lumière, la réfléchit, la diffracte, la renforce, l’absorbe, la dévie. La peau de cette pierre c’est la peau du monde qui est aussi la nôtre. Cette lumière naît, vit, croit, se déplace, étincelle, décroît, s’estompe, s’efface, disparaît, meurt. Chaque jour c’est la même chose, chaque année, c’est la même chose, chaque siècle, c’est la même chose, chaque millénaire, c’est la même chose. De temps en temps, parce qu’il y a des nuages ou qu’il n’y en a pas, parce que le soleil est puissant ou qu’il est couvert, parce qu’il y a de la pluie ou que le temps est sec, nous avons l’illusion de la différence. En fait, le détail importe peu car ce qui compte c’est la vérité de l’éternel retour. Nos vies sont parfois sous le soleil ou sous la pluie, couvertes ou exposées, trempées ou sèches, mais ce sont juste des accidents, des détails. La vie de ces lumières colorées sont semblables aux nôtres, ni plus, ni moins. Par-delà le bien et le mal. La seule différence est que ce rouge ne sait pas qu’il existe alors que nous, si. Dans cette infime différence se loge toute l’activité des hommes. »
Michel Follorou : Intuitions
du 8 au 18 juin 2023
Hôtel de l’Industrie
4, Place Saint-Germain des Prés
75006 Paris