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Hommage à Martine Franck: Carole Naggar

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Tu combinais l’honnêteté et la bienveillance, une capacité d’émerveillement enfantine et la sagesse du grand âge, et tes photos reflètent ces deux pôles de la vie, enfance et vieillesse, que tu as su saisir comme personne.
 
Attirée par les plus vulnérables, tu évitais l’exotisme et tes images, qu’elles soient prises en Chine, en Irlande, en Angleterre ou en France, donnent la même impression de familiarité aisée. Les deux gamines qui sautent au-dessus du mur de Donegal résument toute la joie de l’enfance. Ta photo d’une grand-mère chinoise veillant sur le sommeil de sa petite fille dans un train de nuit est suspendue au-dessus de notre lit, comme veillant sur notre sommeil à nous.
 
En 1978 nous avons travaillé ensemble sur ton livre « Le Temps de Vieillir » car tu te sentais anxieuse à l’idée de rédiger un texte à la première personne pour ce livre qui devait faire partie de la collection « Journal de Voyage » chez Denoël. Mais je me souviens qu’au départ aucun éditeur n’en voulait. Le sujet de la vieillesse, qui te semblait naturel puisqu’un avenir inéluctable pour nous tous, était presque tabou pour le public, qui ne voulait rien savoir des vieux.
 
Tu avais pris pour sujet quelques personnes célèbres, encore actifs dans leur vieillesse comme Lili Brik, le grand amour de Maiakovski avec sa figure pointue et son maquillage de danseuse, le biologiste Jean Rostand, le photographe Paul Strand. Mais surtout des inconnus dans des maisons de retraite ou des hôpitaux. Tu avais évité les situations extrêmes qui t’auraient donné l’impression de violer la confiance de tes sujets.
 
Dans tes images tu as peut-être exprimé les émotions que tu étais trop pudique pour exprimer directement.
 
Martine, c’est difficile de parler de toi à l’imparfait. Les moments que nous avons passés ensemble demeurent comme des gouttes de clarté dans la grisaille du quotidien. Dans Paris criblé de cratères d’absence ta longue silhouette a trop tôt rejoint l’ombre des plus grands : Kertesz, Doisneau, Boubat, Ronis, et ton mari Henri, et je ne m’y fais pas.
 
Carole Naggar

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