Arles, 6 juillet 2023. Conférence de Presse de l’Association pour la Promotion des Fonds de Photographie (APFP)
Françoise Denoyelle, présidente de l’APFP :
« Il y a presque 20 ans l’ADIDAEPP puis l’APFP se sont battus pour conserver et promouvoir les fonds photographiques. Ce fut une affaire difficile. Administrateur de ces associations dès leur origine, Jean-Claude Lemagny était là et il nous a accompagnés au Ministère, rédigé des lettres pour nous soutenir, organisé des rendez-vous. Nous lui devons cet hommage à la fois sensible, intime, familier, et en même temps un hommage à l’homme de la photographie, au grand serviteur de l’État qu’il a été. Il a joué un rôle majeur pour l’enrichissement des fonds de la Bibliothèque Nationale. Sans lui la BN n’aurait jamais eu le fonds de photographie américaine qu’elle a ; sans lui elle n’aurait pas celui de la photographie française et internationale des années 70-90. Et en même temps, Jean-Claude c’était un critique qui a écrit dans les Cahiers de la photographie, qui a soutenu la photographie française dans son institution, laquelle n’était pas si favorable que cela à la photographie. Il a eu beaucoup de mal à installer un embryon d’expositions à la BN. Il a joué un rôle important également dans la constitution et le rayonnement de ce festival qui nous rassemble aujourd’hui. Pesant de tout son poids institutionnel pour soutenir Clergue, Dieuzaide, Rouquette, Brihat et quelques autres.
Bernard Perrine, photographe, journaliste administrateur de l’APFP :
J’ai commencé, ou Lemagny a commencé avec moi, c’est-à-dire qu’il a été nommé à la BN à la photographie, alors qu’il n’y connaissait rien du tout. On l’a rencontré une ou deux fois au club des 30 X 40, en 1969. Il a déboulé dans le stage de Denis Brihat avec Jean-Pierre Sudre à Bonnieux. Lemagny commençait à s’intéresser à la photographie, il était là, avec nous, il a participé à l’émission « Une chambre noire » de Michel Tournier – qui est perdue d’ailleurs – et donc c’est comme ça que j’ai eu les premiers contacts avec Lemagny. Je l’ai revu très vite car il a fait rentrer dans les collections de la BN un certain nombre de photographies que j’avais faites en mai 68. On s’est vus régulièrement, et puis ensuite il est venu à Arles, où il a lui-même fabriqué une institution qui était la lecture de portfolios, c’est-à-dire qu’il a inventé la lecture de portfolio à l’Arlaten. Les photographes, les étudiants, ont pris l’habitude, année après année, de montrer leur travail à Jean-Claude Lemagny. Il a encouragé certains à faire des livres, etc., et il a monté une petite galerie – c’est important parce qu’il a présenté un certain nombre de photographes – dans la petite rue juste en face de la Bibliothèque Nationale, pendant 3-4 ans. Après, on lui a repris le local.
Véronique Figini, historienne, administratrice de l’APFP :
Il avait même l’idée de monter une galerie à New York, pour y montrer la photographie française.
Anne Clergue, galeriste, fille de Lucien Clergue :
Moi j’ai plein de souvenirs de Lemagny, mais ce qui m’a le plus marquée c’est que mon père me disait toujours « Jean-Claude Lemagny il aime tellement la photo qu’il y a plein de photographes qui lui ont offert des photos à lui, et il les a mis dans la collection de la Bibliothèque Nationale. Il avait un sens du devoir exceptionnel.
- D. :
Lemagny, grand commissaire de l’État. Moi j’ai découvert la photo des années 30 à la BN, et j’ai ouvert un livre de Kertész où figurait « À Jean-Claude Lemagny, avec toute mon affection, Kertész ». C’était un livre qui lui avait été offert personnellement, signé par Kertész, et il était dans le fonds. Sa femme, Anne Biroleau a annoncé que ses archives personnelles avaient rejoint la BN et vont faire l’objet de recherches universitaires.
- F. :
J’ai vu le fonds institutionnel de Jean-Claude, il y a 10-15 ans c’était déjà extraordinaire.
B.P. : J’ai fait une photo de Jean-Claude Lemagny qu’Anne (Biroleau) considère comme exceptionnelle, c’était ici à Arles en 1973, où Jean-Claude Lemagny était en train de photographier.
Donatien Rousseau, photographe :
Je l’ai rencontré dans les années 80, il m’a reçu à la BN, en fait je ne le connaissais pas. Un ami m’a dit : « mais tu devrais faire un dépôt légal, je ne savais même pas ce que c’était. Et en fait j’ai pris rendez-vous et je suis resté avec lui presque tout l’après-midi. J’avais amené une vingtaine de tirages, il les regardés, en a gardé 2 ou 3. On a fait un échange de courriers. Quand il est décédé, j’ai écrit un petit texte dans l’hebdomadaire de ma région, je vous l’enverrai.
- D. :
On va faire un petit florilège qu’on mettra sur le site de l’APFP.
- R. :
Je voulais juste terminer sur un point de détail : je pense que le fait d’avoir eu un père graveur, cela a dû aider sa sensibilité à s’attacher à un certain type de photographie, où la matière est très présente.
- F. :
Une explication peut-être, c’était quelqu’un qui était brillant pour la gravure du 18e, et je pense que Jean Adhémar, son directeur de l’époque, avait vu arriver peut-être un concurrent, et qu’il a dit « on va lui donner la photographie. » En 1968, j’ai le sentiment que c’était une voie de garage, sauf que celle-ci s’est avérée un fleuron.
Josette Gautrand, femme et ayant droit de Jean-Claude Gautrand :
Il y a un autre Jean-Claude, qui a connu aussi Jean-Claude Lemagny bien sûr. C’est en 68, Jean-Claude était à Marseille pour le prix Cantini, dans le jury il y avait Lucien (Clergue), y avait Doisneau, Brihat, Sudre, et j’en oublie certainement, et est arrivé Jean-Claude Lemagny, qui venait d’être nommé, et qui ne connaissait rien à la photo. Et il a dit à Jean-Claude (Gautrand), textuellement : « Je suis content de tomber sur des gens aussi sympas », et « entre nous, Jean-Claude, on va s’aider ».
Et souvent Jean-Claude (Gautrand) est descendu à Arles, les premières années, en voiture et il emmenait Jean-Claude (Lemagny), et il faisait le voyage avec lui et Jean-Claude me disait c’est passionnant parce qu’on parle photo, bien sûr, et lui il découvrait, Jean-Claude (Gautrand) lui expliquait des trucs, et il me disait « arrivé à Lyon, plus un mot, il s’endormait ». Il terminait le voyage tout seul.
- F. :
Il y a cette image des Etats généraux de la photographie, Bernard, que tu peux commenter, parce qu’il y avait beaucoup de militantisme à cette époque.
- P. :
Oui, c’est normal que Lemagny fasse partie de cette photo, puisque Jack Lang m’avait demandé de rassembler toutes les personnes qui étaient importantes dans la photographie en France.
- F. :
Et Jean-Claude Lemagny, avec un papier, toujours prend des notes, de sa large écriture, qui s’étirait en longueur. À chaque fois, il en prenait, je n’ai jamais vu Jean-Claude sans un papier, sans prendre des notes, il fallait toujours une table pour en prendre. Tout est conservé à la Bibliothèque Nationale.
F.D. :
Nous ferons un hommage plus conséquent à Jean Claude Lemagny à Paris lors de notre prochaine assemblée générale à la rentrée, mais lui rendre hommage à Arles où il se rendit pour la première fois à pied, s’imposait.