À la fin des années 70, quand Hervé Guibert était juste un jeune homme découvrant l’intérêt du public pour la photographie, il voulait déjà être un grand écrivain. Ses chroniques très personnelles parues dans le journal Le Monde étaient écrites avec une précision remarquable. Il avait déjà publié des livres, comme La mort propagande, qui avait fait scandale. J’ai découvert en discutant avec ceux qui lui étaient proches, ses parents et ses amis, qu’Hervé Guibert avait toujours joué avec les mots, les utilisant pour nous faire réfléchir – jamais une tâche facile – et découvrir la réalité. Son livre L’image fantôme reste, après La chambre claire de Roland Barthes, l’un des rares textes français de qualité sur la photographie et la relation que nous entretenons avec elle. Paradoxalement, c’est sa lutte contre le sida qui a fait de Guibert un des meilleurs auteurs français sur la photographie et un réalisateur accompli. Alors qu’il était malade, il s’est mis à enregistrer des heures et des heures de vidéo, capturant aussi bien le banal que l’extraordinaire. Il filma la répétition de son propre suicide, dont il avait précédemment posé le principe dans un livre. Texte après texte, il nous racontait sa maladie sous un angle totalement inédit, comme une ballade sentimentale finement orchestrée. Sans jamais perdre son sens de l’humour et ses jugements sarcastiques, il écrivait tout, sans paraître se plaindre, avec une dignité qui forçait les gens à l’admirer.
Christian Caujolle, directeur de l’agence Vu’.
Hervé Guibert naquit en 1955 et mourut en 1991. Ses livres les plus importants sur la photographie sont L’Image fantôme, Les aventures singulières, et Fou de Vincent.