Rechercher un article

Hélène Mauri, Voyage à la carte

Preview

Durant l’été 2014, je suis partie en voyage en Islande pendant 24 jours.
J’ai demandé à 24 de mes amis d’être mes commanditaires et de m’assigner la photographie qu’ils aimeraient recevoir, après avoir choisi un chiffre entre 1 et 24 correspondant à l’une des journées de mon voyage.
Aucun des participants n’était parti en voyage en Islande ou ne connaissait particulièrement ce pays.
Chacun d’eux devait choisir un papier insolite, inattendu et qui était à leur portée le jour où je leur ai proposé de participer à ce projet. Ils devaient ensuite y inscrire au recto le numéro choisi ainsi que leur adresse postale, au verso le détail de l’image souhaitée
Je n’imposais aucune contrainte dans la photographie demandée, que ce soit de lieu, de temps ou dans le type d’image.
Je précisais juste que celle-ci devait être réalisable.
Chacun était libre dans sa demande et dans ce qu’il voulait écrire au verso du papier choisi.
Chaque papier fut plié de telle sorte que seul le numéro choisi était visible : je n’avais aucune connaissance des commandes
avant mon départ et tous ont été ouverts le jour préalablement choisi par mes commanditaires.
Mon objectif ensuite était de photographier la carte postale demandée, dans le meilleur des cas le jour-même.

Sur les 24 personnes, il y avait :
7 photographes ou exerçant une profession artistique.
5 ingénieurs en informatique, 1 technicien automobile, 1 médecin, 1 logisticien SNCF, 1 directrice d’hôtel, 3 ingénieurs du son, 2 infirmières,
1 coordinatrice de projets culturels, 1 consultante en stratégie et organisation, 1 technicienne dans le cinéma, 1 enseignante et maître de conférence, 1 Business Analyst chez Coca-Cola.
Ils étaient 9 hommes, 13 femmes, 2 couples et 1 de nationalité étrangère (finlandaise), âgés entre 23 et 45 ans.

J1
J’ai lu la première demande de Stéphane dans l’avion. J’ai été un peu surprise et amusée de devoir photographier un chien, mais c’était également intéressant car sans cette demande, il ne me serait pas venue à l’idée de réaliser ce type d’image. Une fois arrivée à l’aéroport, ma première étape a été de faire des courses. Ma première tentative a été, en sortant du supermarché, de photographier de ma voiture un Islandais à vélo, son chien courant en laisse derrière lui. Mais la photographie, réalisée rapidement, ne me semblait pas être la bonne. La deuxième tentative eut lieu le soir même à Borganes, ma première ville d’arrêt, dans le camping où je me trouvais : un chien promené par son maître au coucher du soleil. Mais je n’avais pas la certitude de la nationalité de ce chien, supposant que son maître devait être un touriste du camping et non un Islandais. Finalement, c’est le lendemain que j’ai réalisé cette image, près de la ferme Snorrastaàir, située près d’Eidborgarhaun.

J2
Le lendemain, le message de Raphaële m’a paru très précis… Je me souvenais qu’elle avait écrit un article sur l’injonction paysagère, mais je l’avais lu il y a assez longtemps pour ne pas m’en souvenir précisément. Je me suis questionnée sur ce qu’elle entendait par « un véritable cliché », que j’ai d’abord compris comme “une bonne photographie”. Je me suis demandée alors ce qu’on pouvait véritablement qualifier de “bonne photographie” ? Finalement, après réflexion, j’ai réalisé qu’elle parlait d’un “cliché” dans le sens d’une ”photo carte postale” ou d’une “photo-cliché”. À la fin de la journée, j’ai finalement photographié cette image au bord de la route 56 dans la région de Snæfellsness, qui était au plus proche de sa demande : la lumière de fin de journée, le lac…

J3
Première image “impossible”, demandée par Florian, compte tenu de l’improbabilité de voir une aurore boréale, surtout en été… Mais je n’étais pas sans idée, et j’espérais pendant le voyage trouver une affiche d’aurore boréale où j’aurais pu me photographier devant. Finalement, je lui ai envoyé cette photo dans les derniers jours de mon voyage à Reykjavik. Je suis en reflet dans une photo d’aurore boréale encadrée sur le mur de l’hôtel où je réside. Une façon un peu détournée de répondre à sa commande initiale.

J4
Il est facile de trouver des chevaux et des poneys en Islande. C’est la seule image que j’ai dû faire avec mon reflex numérique, car je devais poser sur l’image. L’appareil est posé sur le toit de la voiture, garée en haut du chemin qui menait au champ où se tenait le cheval. J’ai réglé mon angle de vue en étant debout sur le siège arrière de la voiture, programmé l’intervallomètre pour réaliser une photo toutes les 5 minutes, le temps pour moi de me positionner près du cheval. L’image a été réalisée près de la ville d’Îsafjoràur, dans les fjords de l’Ouest.

J5
La demande de Maria fut, contre toute attente, la photographie la plus difficile des 24, et ce n’est qu’à la fin du voyage que j’ai réussi à décider de ce que j’allais lui envoyer. Sa demande était complexe parce que l’image était à la fois abstraite et conceptuelle, et sujette à l’interprétation… J’ai pris énormément de photos pour elle sans les envoyer : neige sur les volcans, terres, végétation de montagnes, mais sans jamais être satisfaite. Je n’arrivais pas à une qualité de photo suffisante avec l’iPhone pour apprécier les “détails” dans l’image. Je me suis sentie assez déroutée par sa demande jusqu’à parfois vouloir la “piéger”, autrement dit lui envoyer une image complètement inattendue qui la dérouterait à son tour. Finalement, j’ai choisi de lui envoyer un détail de glacier, photographié après une randonnée de 16 km dans le parc national de Skaftafell.

J6
Quelles sont ces bêtes grasses sur le sable ? J’ai tout de suite pensé aux algues sur les bords des plages. Je ne voyais pas ce que ça pouvait être d’autre. J’ai réalisé une première image avec le miroir semi-transparent, afin d’associer sur la même prise de vue différentes algues d’un bord de mer, mais j’ai réalisé ensuite que ma photo n’était pas prise sur le sable mais sur des galets… et donc que j’étais hors sujet. J’ai photographié une nouvelle fois les algues sur la plage, en essayant de créer une mosaïque de couleurs dans la composition, à la limite de l’abstraction.

J7
La carte postale demandée par Nadège m’a démontré qu’une demande qui laissait beaucoup de liberté n’était pas forcément la plus facile car dans ce cas, la photographie pouvait être prise n’importe où. J’ai mis du temps à décider quel paysage envoyer pour finalement choisir une image qui serait inattendue pour elle, autrement dit quelque chose qu’on ne voit qu’en Islande. J’ai sélectionné cette photographie du mont Namafjall situé près du Lac Myvatn. J’ai trouvé intéressant les jeux du couleurs dans l’image, notamment les tons vert/ bleu.

J8
La huitième photographie demandée fut la “non réalisable”, mais comme pour l’aurore boréale, j’ai tenté de trouver une idée. J’ai voulu tricher et faire un montage sous Photoshop en incrustant l’elfe. Mais je n’avais rien à ma disposition pour faire ce type de retouche, et ce même après avoir tenté une connexion dans un cybercafé et testé une application installée sur mon téléphone. J’ai donc envoyé une photo du glacier Snæfellsjokull que j’avais préalablement photographié, et par défaut intégré l’image d’un elfe sur le timbre de la carte.

J9
Le bassin en plein air le plus naturel que j’ai pu voir est situé à Heydalur, une vallée isolée dans le nord du pays. Mais y étant déjà passée, j’ai choisi de photographier pour Anne-Sophie une vue des Myvatn Nature Baths, une piscine géothermale entre les volcans et les vapeurs de soufre.

J10
Lorsque j’ai lu la demande de Marion, je n’étais pas allée au Blue Lagoon, ayant commencé mon voyage par le nord du pays. J’ai donc opté pour une photo de plage de sable noir. J’ai eu plusieurs occasions d’en croiser, mais comme pour Nadège, la simplicité de la demande rendait le choix plus complexe : quelle plage choisir afin de ne pas avoir une image trop classique ? J’ai donc décidé de prendre le temps d’avoir l’image qui me semblait la meilleure. Finalement, je n’ai eu aucun doute en réalisant cette photo d’un glacier depuis la plage de Breiàamerkursandur : un paysage tellement improbable que ça ne pouvait être que celle-là.

J11
Le hasard a bien fait les choses pour ma 11e journée de voyage, puisque le champ de lave Dimmuborgir était à 10 km environ du lieu où je me trouvais : le lac Myvatn (seul endroit où je suis restée deux jours). J’ai alors pu tout réaliser le jour demandé la prise de vue et l’envoi. Sans prévoir où je serai ce jour-là, et en écrivant un lieu si précis sur ce billet de un dollar, ce fut finalement une des cartes les plus faciles.

J12
Pour représenter un « choc thermique », je pensais à un contraste de température entre le chaud ou le froid. Compte tenu que l’Islande est le pays des volcans, j’ai choisi la photo du sol près du volcan Krafla. Les fissures me paraissaient être représentatives de cette idée.

J13
Lors de mon trajet entre les fjords de l’Est et le sud du pays, j’ai croisé beaucoup moins de chevaux qu’au Nord. Mais surtout ce n’était pas simple, car dans 90% des cas, les chevaux n’étaient jamais seuls mais toujours en groupe, ou au minimum par deux (et ça c’est confirmé jusqu’à la fin de mon voyage). J’ai finalement photographié celui-là après avoir passé la ville d’Hofn, notamment pour l’arrière-plan que je trouvais intéressant.

J14
À ma connaissance, il n’y a pas de marguerites en Islande. J’ai photographié à la place des fleurs de montagnes en contre-plongée au pied d’un volcan, situé dans le sud du pays le long de la route circulaire.

J15
À nouveau une aurore boréale… Pourtant Florian et Solène ne se sont croisés qu’une fois. J’ai choisi de lui envoyer à la place un arc-en-ciel, qui n’est certes pas une aurore boréale, est tout de même une manifestation colorée dans le ciel…

J16
L’évocation des petits vieux par Louise m’a fait pensé à une scène qu’on aurait pu voir dans le sud de la France, mais en Islande, il y a beaucoup moins de monde et parfois on ne croise personne pendant une demi-heure. J’ai choisi de photographier un champ de lave, car après une éruption celle-ci dévaste tout et le lieu devient finalement un « lieu désert »

J17
J’ai regretté ce jour-là de ne plus être à Seydisfjordur, dans les fjords de l’Est, pour photographier une maison colorée d’inspiration norvégienne pour Mickaël. J’ai envoyé à la place une photo des fjords de l’Ouest, car cette partie du pays était certainement l’endroit le plus « au bout du monde ».

J18
Je savais en lisant la commande de Louise que je voulais photographier un mouton noir. Il aurait été difficile de trouver un mouton près d’un geyser, d’autant plus que celui qui était le plus proche était Geysir, lieu très touristique. J’ai pris cette image sur la route 35 après avoir visité le parc national de Pingvellir. Il est 18 h environ et il pleut. Bien que les moutons soient beaucoup sur la route, une fois sortie de la voiture, ils ont tendance à fuir. Il faut alors marcher doucement pour les approcher et espérer qu’ils ne partent pas en courant avant d’avoir déclenché. J’ai réalisé plusieurs image sur cette route avant de parvenir à une photographie de ces moutons pour qu’ils soient à la fois de face et suffisamment proches.

J19
À nouveau, le hasard a bien fait les choses puisque pour le 19e jour, le lac Keryà situé près de Selfoss se trouvait à 10 km du camping où j’étais. Ce fût l’une des demandes les plus faciles, réalisée le jour-même.

J20
Le 20e jour était la veille de mon arrivée à Reykjavik. Il faut savoir qu’il y a très peu de forêts en Islande, deux ou trois sur l’ensemble du pays. Il n’y en avait pas près du lieu où j’étais, j’ai choisi alors l’endroit où j’avais croisé le plus de verdure, aux abords du cratère Eldborgarhaun.

J21
C’est le jour de mon arrivée dans la capitale. J’ai choisi un paysage avec des vapeurs de soufre pour conceptualiser la source chaude. Le yéti est ensuite à l’imagination de chacun…

J22
Deuxième jour à Reykjavik. En lisant la demande de Cindy, je me demandais comment elle avait pu inventer quelque chose d’aussi précis, puis j’ai compris que ça ne pouvait être qu’un endroit existant, que j’ai facilement pu identifier en faisant un petit tour sur Internet. Il a été difficile pour moi de me rendre à cette sculpture car j’avais deux fractures au pied droit suite à une chute la veille. Mais je tenais à honorer ce projet jusqu’au bout. J’ai demandé à quelqu’un de me photographier devant la sculpture, la fin de journée apportant une lumière intéressante. J’ai fait l’impasse du bonnet rouge, car le centre-ville étant plus loin, je ne pouvais marcher jusque là-bas pour en acheter un…

J23
Comme la veille, il était très difficile pour moi de marcher. Mais je tenais absolument à faire la photographie pour Joséphine. J’avais repéré deux endroits d’où il était possible d’avoir un point de vue en hauteur su Reykjavik: un bâtiment appelé le Perlan situé sur la colline d’Oskjuhlio et depuis le haut de l’église Hallgrlmskirkja. J’ai choisi la deuxième option, qui était la plus proche géographiquement. Il a été facile de cadrer l’image afin d’avoir les toits de la ville au premier plan et la montagne au dernier plan. Par contre, il fai sait beau, pas de neige à l’horizon.

J24
Des moments préférés, il y en a eu plusieurs et où j’étais seule dans le paysage, presque tout le temps. Pour la photographie d’lsaline, j’ai pris volontairement parti de ne pas lui envoyer une photo que j’avais déjà prise pour quelqu’un d’autre. À la place, j’ai choisi le paysage qui, pour moi, avait été le plus surprenant, inattendu. La photographie de la 24e carte est donc une image de reflet réalisée avec un miroir semi-transparent du célèbre lac Jökulsá rl ó n. Cet endroit étant tellement touristique, j’ai pris l’image seule le matin vers 8 h. Les nuits étant courtes, le soleil était déjà levé depuis au moins 3h, ce qui change l’appréhension habituelle que l’on peut avoir de la lumière. À partir de 9 h, le lieu s’est rempli de touristes, mais j’avais déjà fini de construire cette image. Il ne restait alors qu’à reprendre la route et continuer…

http://issuu.com/hmauri/docs/voyage-a-la-carte

http://www.ln-photos.fr

Merci de vous connecter ou de créer un compte pour lire la suite et accéder aux autres photos.

Installer notre WebApp sur iPhone
Installer notre WebApp sur Android