Marie, 75 ans
Je voudrais la photographie d’un arbre, un chêne de préférence, c’est tellement beau. Avec si possible, le soleil qui joue dans les feuilles. Un chêne pas trop jeune. Autant que possible, il doit être entier sur la photographie. Le chêne que je visualise est tout seul dans la verdure. Il doit être assez opulent. J’aimerais une photo plutôt en format paysage et de petite taille afin que je puisse l’emporter partout avec moi.
Là où j’habite, il y a un chêne qui a été amputé pendant la tempête de 1998. Il continue de pousser. Il y a une harmonie dans les branches. J’ai remarqué que celui là, malgré sa blessure, il arrive à la compenser pour retrouver son harmonie d’origine. Il se trouve en Haute-Saône entre les villes de Vy-lès-Filains et Dampierre-sur-Linotte.
C’est un arbre solide qui met longtemps à pousser, il traverse les siècles. Il n’est pas immortel non plus. C’est le lien entre la terre et le ciel en quelque sorte. J’ai toujours été émerveillée par les arbres, leur harmonie. Leur force est de toujours se redresser. Ça représente la vie , il y a tout un cycle qui se fait, un sentiment de continuation, d’éternité. Souvent maintenant, il y a des gens qui sont centenaires mais pour un arbre ce n’est rien du tout. C’est un exemple de patience, un autre rythme de temps.
Dans mes voyages, je cherche toujours à photographier comme souvenir, un arbre.
Gisèle, 67 ans
J’essaie de faire de la sophrologie pour supporter les douleurs. Mon cancer n’est pas opérable. Parfois on ne sait plus quoi penser, ce que l’on va devenir. J’essaie de faire de la méditation mais je n’y arrive pas. Pour faire des visualisations, il faut imaginer un lieu, j’ai beaucoup de mal à faire cela. Une photographie m’aiderait à faire ces visualisations, à me permettre de pouvoir partir dans un endroit.
Je pense à un champ de coquelicots, assez vaste. Ce que je vois ce sont des coquelicots ouverts et d’autres en fin de course, cela montrerait la vie et le fait qu’elle se termine pour tout. Je pense à l’idée de faire un pas, puis un autre. On peut aller tout droit, de travers, se créer comme un chemin pour arriver à se sortir de ce marasme qu’est la maladie.
Pour moi les fleurs c’est quelque chose d’important. Pourtant je n’ai pas la main verte. Les coquelicots sont rouges, cette couleur représente la vie, le sang. Quand on est habillé en rouge, ça égaie. Je n’ai jamais eu ce type de photographie. Je pense à ces couleurs vives, ce chemin vert non tracé, que l’on ne voit pas mais que l’on doit faire.
Donat, 65 ans
J’habite dans un petit appartement à Paris mais je m’évade vers les beaux paysages. Une de mes activités favorites est la voile et la mer. Je suis admirateur du photographe Philip Plisson. Il a une galerie et fait des tirages sur toiles qui sont vraiment splendides. J’aimerais une photographie tirée sur toile si cela est possible.
J’aimerais une image en rapport avec la mer, les enfants. Chaque été, ma famille au sens élargi se retrouve en Bretagne sur une île. Cette île privée a une histoire. C’est une grande « colonie de vacances », conviviale et familiale. Votre projet m’a fait réfléchir à ce que j’aimais le plus au monde et c’est cet endroit. Ce serait une photographie à faire sur cette île selon mes instructions. Une photographie personnelle qui demande réflexion.
Un de mes enfants est décédé là-bas d’un accident de la mer. J’ai marié mon autre fils là-bas. Je pense à un point de vue en haut d’un gros rocher. C’est l’endroit que mon fils adorait, où il allait pour papoter, boire des bières ou retrouver des gens. C’est le plus gros rocher de l’île. Derrière, il y a une grande maison avec une tour.
J’aimerais une vue sur la baie depuis le rocher avec mon fils et sa sœur assis ensemble. Votre regard de photographe serait semblable au mien si j’étais présent sur l’île, les observant contemplant le paysage de ce mirador.
Mon fils de 18 ans, marin dans l’âme, avait une passion pour cette île, il méditait là-bas, recevait ses copains. Cette photographie symboliserait les goûts de mon fils disparu. Il était très fusionnel avec son frère. Et cette photo lui serait destiné une fois que je ne serai plus là. Ce serait la photographie d’une vie créée, qui se construisait.
Sarah, 42 ans
Je pense à une image de la plage de Donnant à Belle-Ile-en-mer. Mon père est de là-bas. La dernière fois que j’y suis allée c’était l’an dernier. Je devais y retourner cet été mais je n’ai pas pu. La plage de Donnant est celle qui a le plus de vagues, qui est la plus agitée de l’île. Soit on se situe face à la mer, soit de dos. Quand je pense à cette image qui me fait du bien, je suis de dos. Ce n’est pas la mer qui est à l’honneur mais la plage. Elle est tellement belle. Cette plage est partagée lorsque l’on est entre la marée basse et la marée haute. Ce que je vois, c’est un énorme rocher qui vient délimiter, partager les deux plages.
J’aimerais aussi que vous vous appropriez ce lieu et que vous m’en rameniez votre point de vue personnel.
Quand j’ai commencé à trouver le moyen de me sentir mieux, je me suis tournée vers la méditation. Je me représente un lieu qui m’apaise. Si j’ai l’image en tête, je peux percevoir les odeurs, les sons, la lumière, le bruit des vagues. ça me construit, c’est agréable pour moi.
C’est quelque chose de personnel. Je peux en faire ce que je veux. C’est un lieu dans lequel j’habiterais seule et qui me fait du bien.
Nathalie, 51 ans
J’imagine un cocotier qui se penche vers la mer.
J’ai vécu en Côte-d’Ivoire deux ans et là-bas, il y en a partout. J’ai suivi mon mari qui a travaillé dans ce pays. Nous étions sur une presqu’île sur la côte sud de la Côte d’Ivoire, près de Grand-Lahou, Jacqueville. Nous étions jeunes mariés. C’est une époque où on voyageait beaucoup. C’était il y a 25 ans.
Une fois, alors que nous étions là-bas, nous avons visité les pays alentours, notamment le Mali. Mon rêve serait de faire le tour de l’Afrique. J’ai toujours été attirée par ce continent.
J’aime aussi les arbres, le Bougainvillier qui a des pétales jaunes quand il fleurit et aussi le Flamboyant, un autre arbre avec des fleurs rouges. Vous n’êtes pas obligée d’aller jusqu’en Côte d’Ivoire mais j’aimerais une image avec un cocotier ou un palmier sur une plage. Avec du soleil, un ciel bleu, la mer. Un paysage un peu « carte postale ».
Cela me rappellerait ces plages et cette période de ma vie qui est un bon souvenir. Cette photo va me permettre de m’évader, de voyager.
Jean-Pierre, 72 ans
Je suis navigateur et je suis tombé malade à Nouméa, en arrivant là-bas. C’est quasiment de l’autre côté de la Terre, en Nouvelle-Calédonie. J’aimerais une photo de mon bateau, il a été vendu début 2016 alors que je devais être rapatrié en France en urgence. C’était ma passion. Cela m’évoque des années de voyage, j’ai visité 47 pays avec. Dix ans, c’est beaucoup dans une vie. J’étais avec ma femme, j’ai vécu tout ce projet avec elle et c’est une photographie que je pourrais partager avec elle.
Mon chat a fait le tour du monde car il vivait avec nous sur le bateau. Il s’appelle Cat. Le bateau se trouve au sud de Nouméa dans une baie à côté de Port Moselle, dans la marina située juste à côté : la Marina Port du Sud. Jusqu’alors, j’avais réussi à ne pas être sentimental par rapport à cela mais en ce moment, je suis dans une étape difficile.
Le bateau s’appelle Le Colibri. Tous les bateaux que l’on a eus, on leur a donné un nom d’oiseau. J’ai déjà des photos de ce bateau, mais une réalisée par une photographe, avec votre œil photographique, je serais vraiment heureux. Je ne veux pas que ce soit quelqu’un d’autre qui réalise cette image, car c’est vous que j’ai rencontré et à qui j’ai raconté mon histoire. C’est vous qui m’avez proposé cette démarche, ça n’aurait pas le même sens.
J’ai vraiment besoin de cette photo, ça a toujours été mon coup de cœur depuis que vous m’avez proposé ce projet.
Je suis content que vous acceptiez ce voyage, car j’ai la sensation que je n’ai pas pu finir ce que j’avais à faire.
Laurent, 56 ans
Je pense à un beau paysage qui me rappelle la mer ou la montagne. Une photographie qui serait en relation avec la nature. J’aime respirer l’air frais, ça me détend.
J’aimerais une image des Salines en Basse-Normandie, près de Granville à Bricqueville-sur-Mer. Ce sont en fait des présalés où il y a des moutons qui mangent l’herbe. Derrière, il y a la mer.
Avec deux de mes amis, on allait souvent ramasser des coquillages là-bas sur la plage, lors de la marée basse. L’un d’entre eux est malheureusement décédé d’un cancer cette année.
J’aimerais une photo de la plage avec les coquillages et si possible avec des gens qui ramassent des palourdes. Cette image me rappellerait des souvenirs et de bons moments passés avec cet ami.
Marielle, 44 ans
La première idée qui me vient à l’esprit est une photographie de l’Arc de Triomphe, vu depuis les Champs-Elysées.
J’habite en Guadeloupe, et je suis venue pour la première fois à Paris il y a trente ans. Ce monument est un de mes premiers souvenirs de Paris. Je ressens quelque chose de particulier quand je vois l’Arc de Triomphe. Bientôt, j’irai le revoir en personne.
J’imagine une photo avec des gens ou un peu de vie. Cette photographie représenterait pour moi de très bons souvenirs. Je ramènerai le tirage en Guadeloupe.
Catherine, 44 ans
J’habite en Picardie près d’Abbeville. J’aimerais une photo de Paris, de la Tour Eiffel tout simplement. Je n’ai jamais pris le temps d’aller la voir de près. Avec mon mari, on a prévu de se faire un week-end à Paris. C’est un joli symbole de Paris, une ville que je ne connais pas bien. Je ne pense pas à une photographie en particulier car je n’y suis jamais allée mais à une image en noir et blanc.
Paris m’évoque aussi mon cancer, du fait de mon hospitalisation à l’Institut Curie. Et en même temps, cette photographie serait le signe d’un projet, le projet d’y aller.
Mady, 36 ans
Je pense au Parc des Buttes Chaumont. C’est un parc que j’ai pu découvrir à la télévision. J’ai toujours souhaité y aller mais par manque de temps, ça ne s’est pas fait.
Je me souviens que ce jardin a des cascades d’eau. Ce qui m’avait plu c’est le fait que lorsque l’on rentre à l’intérieur, on a l’impression d’être ailleurs. Pourtant, on se trouve à Paris, c’est un jardin au milieu de la ville. Il y a des bancs sur lesquels on peut s’assoir, de la verdure, des activités à faire.
J’aimerais une photo de la cascade ou de ses chutes d’eau. Pour moi, elle représente le lâcher prise. Souvent on veut tout contrôler, tout gérer et c’est stressant. Regarder la cascade apaise et permet d’avoir ce lâcher prise.