Le photographe de Magnum Guy Le Querrec possède plus de 5.000 photos réalisées en Bretagne entre 1965 et 1980. Ce mois-ci, trois expositions à Brest, Lannion et Lorient, en France, ainsi qu’un livre rendent hommage à ce travail au long cours.
Guy Le Querrec, d’origine bretonne, est né à Paris le 12 mai 1941. Il prend ses premières photos à l’âge de 14 ans avec un Ultra-Fex 4,5×6, offert à Noël par le comité d’entreprise de la banque où travaille sa mère. L’année suivante, il achète un Photax d’occasion, auquel succède un Semflex puis un Rolleiflex, offerts par ses parents en récompense de réussites scolaires. En 1962, il achète son premier Leica, un IIIG, avec la paie de ses heures supplémentaires dans la compagnie d’assurances où il travaille. Il devient professionnel à 26 ans et débute dans la petite agence de publicité Atelier 3, située rue Daguerre, à Paris.
En 1969, il est engagé par l’hebdomadaire Jeune Afrique comme reporter photographe et responsable du service photo. Pendant deux ans, il voyage fréquemment en Afrique noire francophone et dans les pays du Maghreb. Il rejoint ensuite l’agence Vu puis co-fonde l’agence Viva, qu’il quitte en 1975. Sujets les plus représentatifs de cette période : la Bretagne, « La famille en France » (reportage collectif de Viva, 1973) le Portugal de la Révolution des Œillets (1974-1975), « Les Français en vacances » (1976, première bourse de la Fondation Nationale de la Photographie). Entré à Magnum en 1976, il est élu membre en 1977.
Principaux reportages réalisés : le concert Mayol à Paris (1979, bourse de la Ville de Paris), nombreux pays d’Afrique entre 1984 et 1998, dont un sur les traditions en Pays Lobi au Burkina Faso dans le cadre du 50e Anniversaire de Magnum, la Chine (1984-1988- 1989), les Etats-Unis en 1990 : le Big Foot Memorial Ride (Dakota du Sud). De 1977 à 1985, une étroite collaboration avec le sculpteur Daniel Druet le conduit notamment à l’Elysée pour une dizaine de séances de pause du président François Mitterrand.
Une de ces photographies a été sélectionnée en 1999 dans la série Les 100 photos du siècle (télé et livre). En 1998, il est lauréat du Grand Prix de la Ville de Paris. La musique, et tout particulièrement le milieu du jazz qu’il fréquente depuis les années 60, occupent une place importante dans son travail. Ses photographies constituent une chronique régulière et dense de l’univers des musiciens, de leurs gestuelles, de leurs cadences, de leurs relations et de leurs décors, aussi bien en scène, en concert, ou en répétition, que dans les coulisses, en voyages, en instance de création et de vie. Il réalise sa première photo de Michel Portal en 1964. En 1981, dans le cadre d’un projet du ministère de la Culture (Photoscopie), il va le suivre pendant 3 mois. Depuis cette période, il chronique régulièrement des épisodes de sa vie de musicien, notamment, dans les livrets pour les CD Minneapolis (2001) et Minneapolis we insist (2002) publiés chez Universal Jazz.
Lors des Rencontres Internationales de la Photographie d’Arles, au Théâtre Antique, il crée deux spectacles, De l’eau dans le jazz en 1983, puis en 1993 Jazz comme une Image. Projetées sur écran géant, les photographies sont conçues comme partition pour une musique improvisée en direct par un quartet où il réunit Michel Portal, Louis Sclavis, Henri Texier et Jean-Pierre Drouet. En 1998, il réalise pendant cinq semaines dans les stations du métro parisien, une campagne d’affichage évolutif (Jazz comme une Image) consacrée au festival Banlieues Bleues.
Depuis 1980, il a participé à une trentaine de films documentaires sur le jazz, réalisés principalement par Frank Cassenti (portraits de musiciens, chroniques de festivals…). Prolongeant les tournées africaines à travers 25 pays, avec les musiciens, Aldo Romano, Louis Sclavis et Henri Texier, trio inventé à son initiative, sont publiés chez Label Bleu, les coffrets avec CD, livrets et récits photographiques de ces voyages : en 1995 Carnet de Routes (Afrique centrale et de l’Ouest), en 1999 Suite Africaine (Afrique de l’Est et du Sud). Raymond Depardon, directeur artistique des Rencontres Internationales de la Photographie d’Arles 2006, le choisit parmi ses « compagnons de route ». Il se retrouve impliqué dans trois projets : une importante exposition rétrospective de 70 photographies grand format, la création d’un nouveau spectacle et la direction d’un stage.
Raymond Departon écrit à son sujet: « Il est à la fois le poète et le bouffon ! J’ai tout de suite pensé à lui, Guy est un virtuose. Il a un héritage sans doute ‘Magnumien’, l’instant décisif, et il a aussi une forte personnalité. C’est un grand tireur, il déclenche son appareil au bon moment, il a beaucoup travaillé là-dessus, il nous a tous complexés ! C’est quelqu’un de très présent, il est authentiquement français, il porte en lui tout un monde, Guy est le vrai parigot ! Et il aime le mot, il aime rire… J’ai eu la chance de faire un atelier avec lui, Guy est un grand expert de la pédagogie ! Je l’ai aidé, mais aussi observé, sa science est monumentale, il a un discours incroyable sur la façon de faire des photos. Si je devais donner un conseil à quelqu’un, je lui dirais d’écouter Guy, car il sait transmettre l’amour de la photo, la science. Il est un peu psychologue, sorcier, conseiller, il aime les gens, l’être humain. Il aime aussi la musique. C’est un grand plaisir pour nous. On a aussi ce point en commun, nous sommes des Africains tous les deux ! On a ce projet utopique de se rencontrer au milieu de l’Afrique, lui venant de l’Ouest et moi de l’Est. Un jour, peut-être, on fera ce reportage. L’Afrique lui va bien, il est peut-être le plus africain des photographes de Magnum. Il est le griot, il est le musicien, la danse, la gestuelle, la grâce, la parole, il aime les Africains, les gens, les femmes, la musique, les notes, les chansons. C’est un personnage à la fois très français, et en même temps universel. Je ne trouverai pas beaucoup de Guy Le Querrec dans le monde ! »
Guy Le Querrec, En Bretagne
18 octobre 2016 au 3 décembre 2016
L’imagerie
19 rue Jean Savidan
22300 Lannion
France