Face à une menace imperceptible, le Japon a du choisir de séparer territoires, objets et lieux contaminés de ceux qui ne le seraient pas. Mais cette frontière semble plus floue et subjective. Chacun est amené à se fixer ses propres limites. Des limites qui finissent par diviser les gens eux-mêmes. En alternant mise en scène volontairement « irrationnelles » et constructions transparentes à l’intérieur même du paysage, ces photographies posent la question d’une contamination qui n’a pas de frontière claire et de la façon dont on serait tenté de réagir. Cette menace grise devient le terreau fertile de notre imagination et de nos peurs. Des peurs qui pourraient même devenir plus nocives que la radiation elle-même.
Pour la série « Mauvais Rêves« , Carlos Ayesta et Guillaume Bression se sont rendus une nouvelle fois dans les territoires contaminés de la préfecture de Fukushima au Japon (Namie, Odaka, Date, Iitate, Kawamata) et ont réalisé ces photographies avec l’aide des résidents eux mêmes. A ce titre, nous souhaitons remercier Nakajima Takashi, Yoshinari Hirohagu, Tanji Kohdai, Shima Akemi, Ooyama Yoshihiko, Sato Kenji, Handa Shinji et Tsugyo Takahashi qui ont acceptés de poser dans ces photographies.
Pour des reportages, nous nous sommes rendu dans la région de Fukushima à de multiples reprises depuis le tsunami et l’accident nucléaire de mars 2011. Nous avons rencontré de nombreux résidents et activistes, sillonné la région jusque dans ses recoins les plus improbables et connu beaucoup d’émotions fortes, au début de la crise mais aussi lors de nos différents projets. Ce travail photographique à Fukushima se nourrit de cette connaissance intime et factuelle de la région et de ses habitants. Même si l’esthétique des images nous intéresse évidemment, nous cherchons avant tout à traduire un ressenti et une réalité.
Carlos AYESTA : Je suis né à Caracas en 1985. Je travaille en tant que photographe indépendant à Paris et me suis spécialisé en photographie d’architecture, et de hauteur (sur corde ou sur nacelle), avec entre autre un long projet sur corde commandé par l’EPADESA autour du quartier de la Défense.
En parallèle de ces activités, j’ai été exposé en 2012 au forum des Halles et à la Mairie de Paris, dans le cadre de la carte blanche SFR jeunes talents et de l’exposition « Doisneau-Paris Les Halles ». Récemment mon travail avec Guillaume Bression à Fukushima a été exposé au festival Circulation(s) à Paris en février – mars 2013.
Guillaume BRESSION : Je suis né à Paris en 1980. Scientifique de formation, j’ai commencé à faire de la photographie sur mes temps libres comme beaucoup de passionnés. Ma démarche est devenue plus sérieuse après une formation en photographie d’un an à Paris. C’est à cette occasion que j’ai rencontré Carlos Ayesta avec qui j’ai créé notre collectif de photographes « Trois 8 » (avec Audrey BOEHLY). En 2010, je me suis installé au Japon comme photographe pour la presse et comme cadreur pour la télévision. De nos jours, les photographes se doivent souvent d’être pluridisciplinaires ! En marge de mes activités professionnelles pour la presse, j’ai continué à mener des projets plus personnels au Japon ou en Afrique qui tâchent de montrer le réel autrement. Mes deux approches de photoreporter et d’artiste-photographe se nourrissent mutuellement.
