En 1995, Annett Gröschner et Arwed Messmer ont eu accès aux photographies du Mur de Berlin par l’intermédiaire des Archives Militaires de Postdam. À l’époque de la partition, la ville était en secteur de la R.D.A. Dans une boîte à archives les deux artistes découvrent un grand nombre de films photo en 35 mm pris par les soldats est-allemands en 1966 où surgit le mur de Berlin tel qu’il fut il y a 50 ans. Ces photos les fascinèrent – comme elles nous fascinent – puisqu’elles représentent pour des Occidentaux des images inédites non seulement du mur proprement dit, mais de ses tourelles, ses barbelés, etc., et de leurs gardiens.
Non seulement les artistes ont classé par thèmes les photographies, mais ils les ont réagencées en panoramas parfois inquiétants et parfois sidérants. Les éditions Hatje Cantz proposent en deux forts volumes – d’au total 1328 pages et 1059 panoramas ou photographies isolées – ces « séries » qui déroulent une mémoire sous forme de workshop. Elles deviennent un trésor dont les deux artistes ont fait leur miel. Il s’agit là non seulement d’une « documentation empathique » (Florien Ebner), mais aussi d’une véritable « transformation de la facticité » historique. Il s’agit d’explorer et de comprendre le monde en partant de ses singularités pour les porter jusqu’à des fins métaphoriques.
Le parcours devient double. Il suit le mur, mais la narration peut également rendre compte d’une situation qui produit, avec l’effet de distance, des vacillations dans des visions d’un fantasme de monde. Ne se perçoivent pas seulement des dimensions de l’espace, mais la présence d’une topographie soudain mesurable. Cet immense corpus reste donc une philosophie et un art des montages à fleur de vie par la puissance de ses narrations morcelées. Le livre avance contre les effets des lois et de leurs gardiens. Il montre aussi l’accélération de l’histoire par rapport à un « État fort » dont le XXe siècle déclina l’exemple à travers le Stalinisme. L’œuvre illustre à la fois la gloire et la ruine de ce totalitarisme. Ce qui se pensait inamovible et trouvait sa justification au sein de l’immobilité est donc démonté par le parpaing de ces deux volumes.
LIVRE
Taking Stock of Power – An Other View of the Berlin Wall”
Annett Gröschner et Arwed Messmer,
2 tomes, allemand et anglais
Hatje-Cantz Verlag Berlin; 2016
EXPOSITION
Taking Stock of Power – An Other View of the Berlin Wall”
Annett Gröschner et Arwed Messmer,
Du 27mai au 21 aout 2016
Berlin’s Haus am kleistpark
Grunewaldstraße 6
10823 Berlin
Allemagne
http://www.hausamkleistpark.de
