Memorias Revolucionarias
Comment — et pourquoi — se fabriquer une mémoire visuelle de ce que l’on n’a pas vécu, en l’occurrence la Guerre civile en Espagne? Parce qu’elles rendent vrai cet événement dont on a entendu parler en famille et dans les livres d’histoire, et que ces images fabriquées de toutes pièces s’accordent à d’autres, connues, qui perpétuent mythes et souvenirs. Elles pourraient être extraites des archives d’Agustí Centelles, de Georg Reisner, Hans Namuth ou Robert Capa, appartenir au documentaire historique sur lequel elles se fondent, avoir été extraites, comme le suggèrent certaines annotations, d’albums de famille. Elles ont, en fait, été réalisées, pendant le tournage du film Libertarias de Vicente Aranda en 1996. L’excellence de ces “faux” documents nous interroge une fois de plus sur la fiabilité de l’image photographique, encore aggravée aujourd’hui par les facilités qu’offre le numérique dans la pratique du montage et de la fabrication d’images. Mais, parce que leur esthétique — leur héroïsation des personnages, leur reprise des motifs d’époque — nous est connue, elles sont parfaitement crédibles et ne sont, en rien, plus “fausses” que les “vrais” documents d’époque. Ce travail d’artisan, troublant de véracité, interroge la nature même de la mémoire dans sa relation aux photographies.