Arles, juillet 1986, les Rencontres Internationales de la Photographie sont en effervescence. Le directeur de l’Ecole Nationale de la Photographie me propose de réaliser un reportage sur l’ancien hôtel Nord-Pinus, en échange d’une exposition à la Galerie Aréna. L’hôtel, fermé depuis quatre ans, abrite encore son ancienne propriétaire Mme Bessière, plus connue sous son nom d’artiste de Germaine Gilbert ; elle y vit en recluse avec ses chats et son chien Warum.
En novembre, je décide d’investir les lieux. Je m’équipe de deux boitiers, une batterie de grands angulaires, un solide trépied, quelques boîtes de chocolats pour Germaine et surtout des douilles et un sac rempli d’ampoules de toutes sortes afin de retrouver l’ambiance et l’éclairage d’origine.
Deux jours intensifs hors du temps, dans le labyrinthe des corridors et la poussière des chambres en une marche aléatoire où chaque image sera un haïku. Quelques jours plus tard, je présente les images au directeur de l’ENP qui est emballé mais qui me réclame « l’indispensable » portrait de Germaine. J’ai beau lui dire que je ne suis pas un entomologiste, il reste intraitable. Je retourne à l’hôtel une dernière fois ; une photo noir et blanc de Germaine prise il y a 50 ans vient à mon secours, mettant la vraie Germaine en abîme.
Le 15 janvier 1987, le plan Orsec est déclenché, Arles est sous la neige. Le vernissage a quand même lieu à la galerie Arèna en présence de Germaine qui lève sa coupe de champagne en criant : « J’ai 20 ans ! » Germaine décèdera quelques semaines plus tard.
Christian Ramade
Christian Ramade, Germaine et le Nord-Pinus
Publié par les éditions Équinoxe
26 €
Exposition terminée durant le festival Boutographies à Montpellier