La Turquie est un pays complexe dont l’explosion économique et le charisme international a éclaté sans prévenir, mettant le pays face au défi d’adapter sa structure architecturale et sociale.
George Georgiou a parcouru la Turquie d’Ouest en Est au cours des cinq dernières années, à la rencontre d’une population dont les opinions vont de la même manière de gauche à droite, à la découverte d’un paysage auquel la modernité pressée donne des aspects de maquette, d’un pays dont la surface de 800 000 km2 résonne avec divergences sociales, politiques et religieuses.
Le langage de Georgiou se situe donc du coté du paradoxe, de la cohabitation de deux réalités contradictoires, de la définition inquiétante que ces enjeux ont attribué à l’habitat. Un village a la géométrie rigoureuse propose pour maison une variation en trois couleurs d’un rectangle à deux niveaux et douze fenêtres. Chacune est disposée selon une régularité déconcertante, dans une homogénéité à laquelle seule une minuscule mosquée, avec ses dômes arrondis et son minaret pointu, apporte une touche de fantaisie. Comme son nom l’indique – Yenikoy signifie « nouveau village » en turc -, ce rassemblement d’habitations au pied d’une montagne inconstructible a pour seule caractéristique son érection récente, établissant un espace communautaire impersonnel tout aussi rassurant qu’inquiétant vu sa situation frontalière avec la Georgie.
Mutation et tradition coexistent dans un rapport complexe qu’il serait hasardeux de simplifier, de même que progrès dévorant et précarité accrue, développement et abandon, à l’image de la cité récemment construite au sommet d’une colline dénudée, ensemble inanimé et incongru de huit tours colorées dont s’éloigne un vendeur ambulant.
Le photographe interroge donc le rapport des habitants à cet environnement mouvant, de plus en plus anonyme. Sa dernière série de portraits, dont la contre-plongée permet de détacher les passants de leur environnement, silhouettes individuelles affichant leurs lignes et couleurs vestimentaires dans un ciel bleu surexposé, accentue ce caractère anonyme de la modernité.
Chaque stambouliote semble seul. La série a pourtant été réalisée sur la place de Taksim, bondée jour et nuit de piétons et de véhicules, chaos de corps qui se bousculent et se pressent, cacophonie de vendeurs de rue se perdant dans la fanfare des klaxons, déchainement de couleurs et de vie urbaine.
Laurence Cornet
« Fault Lines : Turkey/East/West »: George Georgiou
Exposition du 22 février au 13 avril 2013
Jackson Fine Art
3115 East Shadowlawn Avenue
Atlanta, GA 30305
USA
Tél. : +1 404 233 3739