Je suis un jeune photographe français, trentenaire vivant et travaillant à Paris. Après avoir achevé mes études de philosophie avec un mémoire sur Nietzsche et la physiologie de l’art, j’ai entrepris par moi-même le travail de la lumière. Habillé d’un noir et blanc charbonneux, ma photographie interroge l’idée du sacré à travers le prisme du quotidien : il s’agit, entre autre, de revisiter l’esthétique traditionnelle de l’icône religieuse afin de la confronter à la trivialité du réel.
L’icône est traditionnellement l’interface sacrée entre les hommes et un dieu, et se présente ainsi comme un objet inerte autant qu’un objet vivant. Ici, portrait et nature morte se confondent, et c’est ce qui m’intéresse particulièrement. Pour l’histoire, l’icône est une porte ouverte sur un royaume divin au temps de l’éternité ; pour moi, elle est une porte ouverte sur l’hiver dernier, sur mon passé, sur l’enfance souveraine et tous les visages familiers qui rythment la vie.
Quelle mystique est possible pour nous aujourd’hui, dans cette chambre ou cette cuisine, dans ces paysages désertés des dieux ? Quelle résonance symbolique est envisageable pour ces figures radieuses, en l’absence d’arrières-mondes ? L’enjeu pour moi est de libérer le pouvoir d’évocation de l’image afin de faire redescendre le sacré dans la vie de tous les jours, qui est aussi peuplée des objets les plus familiers, les plus utilitaires pour le vivant. Et puisque chacun de nous devient potentiellement une icône, le sacré ne réside plus dans le ciel comme l’otage d’un dieu lointain – le sacré, c’est ici et maintenant.
Geoffroy Ménabréa
Portfolio week-end sélectionné par Philippe Garner.
