Le Musée d’art moderne de Mexico présente une exposition du maître américain à travers une série de photos consacrée aux femmes.
Les années 1960 marquent un changement dans l’attitude des femmes, qui pratiquent l’exercice intense de leur liberté intime et publique. L’objectif photographique de Garry Winogrand décrit cette évolution sociale mieux qu’aucun autre, élaborant tout au long d’une décennie une documentation unique et sans précédent, qui immortalise pour l’histoire de la photographie cette transformation primordiale. Celui qu’on appelait « le prince des rues » a gagné son titre en réalisant les portraits minutieux de femmes dans leurs vies publiques, transformant ainsi leurs agissements en silhouettes.
Garry Winogrand ne cherche pas l’exactitude dans la composition, ne cessant de désobéir à la règle de base de la prétendue « apparence formelle de l’œuvre d’art ». Il devient ainsi le maître de l’instant, que l’on considère pour de nombreuses raisons comme le proche héritier de Robert Frank. Ce dernier a défendu cette perte délibérée de l’équilibre par ces mots restés célèbres : « En photo, certains éléments peuvent être si petits, et pourtant si importants. » Ce cadre métaphorique n’est au fond que l’expérience désorganisée de la réalité elle-même. En bref, Winogrand saisit chaque détail avec son appareil, en composant et en donnant un sens naturel à la représentation. La ville est son décor privilégié, dans lequel avec les immeubles, les trottoirs, les lumières de la circulation et les gens, il met à l’épreuve les limites de l’échelle humaine.
« Les Femmes sont belles » paraît en 1975. Winogrand s’est attaché jusqu’à cette date à prendre des photos de femmes un peu partout : dans les piscines, les cafétérias, les fêtes de la haute société, et par-dessus tout dans les rues de New York. En évitant les photos de nus et les portraits de studio, il explore la façon dont les femmes expriment leur sexualité à travers leurs vêtements, leurs coiffures, leurs gestes, leurs rires ou leurs murmures. L’une des images représente une femme riant aux éclats, tenant un cornet de glace à la main devant une vitrine avec un buste de mannequin, qui rappelle ceux photographiés par Atget au début du 20ème siècle.
On a dit à propos de Winogrand que « son amour de la vie est plus fort que son intérêt pour l’art. C’est ce qui lui permet de se confronter par ses clichés à la comédie de notre époque. » Son oeuvre n’est pas un simple essai superficiel sur les nouveaux types de beauté, mais une réflexion sociale sur la contre-culture et les manifestations de soutien à la liberté des femmes. On ne peut toutefois nier l’aspect esthétique de ces femmes magnifiques et libres de complexes, sûres de leur silhouette et en adéquation avec la nouvelle ère de la splendeur américaine. Garry Winogrand est présent dans toutes les collections des grands musées : depuis le MoMA jusqu’à la Tate Gallery en passant par le Centre Pompidou. Son style tendancieux et froid fait penser à l’expressionisme abstrait et ses diagonales tranchées rappellent les coups de pinceau caractéristiques de ces années.
Winogrand saisit la vie et ses évolutions, jouissant de ce qu’il photographie et de ses images. Ses femmes sont pleines de vie, confiantes en elles, heureuses, décomplexées. Elles suivent leur chemin et sont d’autant plus séduisantes qu’elles sont libres, se rebellant à l’époque contre la dictature de « ce que peuvent dire les autres. » Si Robert Frank était un photographe essentiel des années 1950, Garry Winogrand est l’artiste de son époque, l’un des plus grands des années 1960.
Lola Garrido
Lola Garrido est collectionneuse de photographies. Sa collection compte certaines des images les plus célèbres de l’histoire de la photographie.
Garry Winogrand, Les femmes sont belles
Du 9 septembre 2017 au 21 janvier 2018
Musée d’art moderne
Paseo de la reforma y Ghandi s/n
Bosque de Chapultepec
Mexico
Mexique