La galerie berlinoise dévoile pour la première fois dans la capitale allemande le travail de l’artiste visuelle britannique Hannah Hughes. Ses œuvres, à mi-chemin entre la photographie et la sculpture, abritent la coexistence des états, des surfaces et des perspectives.
Il se dégage des collages d’Hannah Hughes quelque chose de profondément apaisant. Seraient-ce ces nuances d’une même gamme de couleur qui se font et défont entre-elles, ces différentes textures qui se superposent ou ces formes arrondies qui s’entremêlent ? Les travaux hybrides d’Hannah Hughes (1975) sont, par nature, difficilement catégorisables. Sa démarche consiste à construire, à partir d’images de matières issues des magazines et de photographies d’emballages en cellulose, de matériaux récupérés et de roches, des sculptures planes alliant phases solide et liquide, planéité et relief mais encore, 2D et 3D.
On tente alors de deviner la nature de la matière et le support utilisé, imaginant d’une œuvre à l’autre du quartz rose, du lapis-lazuli (bleu) ou encore de la malachite (verte). Mais également des matières propres à des objets du quotidien, comme par exemple, du carton ou du velours. Dans ce travail de déconstruction du caractère lisse de la photographie, les différents éléments donnent à voir la rugosité d’un tapis, celle d’une roche volcanique ou encore la rondeur d’une pierre précieuse.
De ces assemblages de surfaces en deux dimensions, émergent pourtant, par le même temps, épaisseur et volume. Une sensation de profondeur, plus ou moins accentuée, qui est l’effet des ombres artificielles créées de toutes pièces par Hannah Hughes, venant habiller l’espace négatif entourant les sculptures, composé, découpé et photographié en aparté.
Ce travail de superposition des matériaux est dépeint comme un écho aux tensions pouvant exister entre les plaques tectoniques. Découpés dans des formes lithiques et assemblés selon leur teintes et leurs textures, ces fragments ont alors l’allure de strates qui tour à tour se chevauchent et fusionnent, forment des tableaux de variations d’une même chromie, d’un même univers. De véritables danses de couleurs et de textures, notamment activées dans les collages grands formats grâce au relief, cette fois-ci bien réel, créé par le décollement volontaire de certaines couches formant des fentes perceptibles à l’œil lorsque l’on vient à se pencher de côté.
Dans son élan oxymorique, Solid Slip est, comme son nom le suggère, une inspirante réflexion sur la chose et son contraire, sur l’être et le paraître, sur le réel et le songe… dont les frontières s’avèrent finalement si poreuses.
Noémie de Bellaigue
Solid Slip de Hannah Hughes à la Galerie Robert Morat jusqu’au 1er juin 2024.
Galerie Robert Morat
Linienstraße 107
10115 Berlin