“It took me a long time and much painful boomeranging of my expectations to achieve a realization : That I am nobody but myself. But first, I had to discover that I am an invisible man!” – Invisible man – prologue – Ralph Ellison 1952
Première exposition en Europe du photographe Ruddy Roye (né en Jamaïque 1969, vit entre New York et Cleveland) When Living is A Protest a été programmée en février, Ruddy Roye nous rappelant que ce mois correspond au mois de l’histoire des Noirs – Black History Month ou nommé également African-American History Month **
Le titre donné par l’artiste à cette série qu’il a commencée il y a plus de 10 ans : When Living is a Protest dit ses questionnements douloureux sur la place des Afros-Américains aux Etats-Unis.
Cette série tente de rendre visible les invisibles du continent Américain. C’est pour Ruddy Roye, une mission, en tant qu’artiste photographe. Parcourant les villes de New-York à La Nouvelle-Orléans, la galerie Polaris présente une sélection, choisie avec le photographe, de quelques années de ce parcours.
Ce qui peut nous surprendre dans l’œuvre de Ruddy Roye est le regard que lui accordent les protagonistes photographiés. Il ne s’agit pas de photographies prises à la sauvette dans la ville ou les campagnes. Ruddy Roye échange d’abord avec les personnes qu’il souhaiterait représenter. Ils dialoguent alors sur leur vie quotidienne, la difficulté de vivre, leur situation souvent précaire. En prenant le temps de se connaître l’un l’autre, ce n’est qu’après cette compréhension mutuelle, que Ruddy Roye déclenche l’appareil, comme dans un studio en extérieur. Roye décrit de façon très poétique dans un de ses textes (chaque photographie est accompagnée d’un texte écrit par l’artiste que nous vous encourageons à lire) : « Je fais passer leurs histoires entre le bout de mon index et la paume de ma main gauche, les cassant soigneusement comme des brindilles séchées, brûlant le courage de leurs âmes pour en faire de purs êtres humains ».
Car il s’agit bien dans cette œuvre emplie d’humanisme, de ce pouvoir du photographe de (re) donner à ces personnes rencontrées au hasard, de la dignité. Ruddy Roye rappelle dans un de ses textes que en tant que photographe il préfère s’intéresser plus aux personnes plutôt qu’aux choses qui les définissent.
L’atemporalité de When Living is a Protest tient avant tout du traitement et des partis-pris de Roye. À l’image de son titre, on pourrait croire l’écriture simple, mais si Roye se concentre sur ses personnages et les idéaux qu’ils véhiculent, il s’efforce de raconter l’histoire de leurs maux et de leur résignation. Se mettant avec humilité à hauteur d’homme, il nous fait entendre leurs voix par l’intermédiaire de l’appareil photographique car « C’est dans ce cadre que se trouvent les petits morceaux de magie qui résument leur histoire « et montre que, finalement, nous parlons tous la même langue.
Si idéalisme il y a, celui-ci reste fragile, car cette œuvre est un discours qui balaie une large palette de sujets, sortant largement du simple champ de la pauvreté et du racisme. Le passé, celui vécu par les parents et leurs ancêtres, hante toujours et ne peut se détacher du présent. Cette œuvre nous demande simplement de voir l’humanité dans chaque regard que l’artiste a immortalisé. Si idéalisme il y a, celui-ci reste fragile, car cette œuvre est un discours qui balaie une large palette de sujets, sortant largement du simple champ de la pauvreté et du racisme. Le passé, celui vécu par les parents et leurs ancêtres, hante toujours et ne peut se détacher du présent. Cette œuvre nous demande simplement de voir l’humanité dans chaque regard que l’artiste a immortalisé. Si ces regards peuvent nous émouvoir, c’est que Roye a cette incroyable capacité à cerner la nature humaine, et à toucher l’universalité. L’œuvre comme un message universel qui soude et interroge cette humanité, brisée et prise de doutes, résignée, mais revendiquant son droit d’exister.
Ce corpus veut faire entendre, montrer et dénoncer la condition actuelle des Afros -Américains. Sans exaltation factice et sans haine. Faisant simplement honneur à la photographie. Un essai d’iconologie sociale, comme une invitation donnée au spectateur de pouvoir interroger différemment le discours des images. Et c’est cette approche thématique révélant l’engagement du photographe, qui doit nous permettre de nous interroger sur le monde dans lequel nous vivons.
“strip me of my color and I’m your uncle, I’m your brother, I am your neighbor” : Ruddy Roye, CBS NEWS interview.
** Commémoration annuelle de l’histoire de la diaspora africaine . Cinquante ans après la promulgation du XIII° amendement de la Constitution des États-Unis abolissant l’esclavage, l’historien afro-américain Carter Woodson et le pasteur Jesse Moorland fondent l’association for the study of African American Life and History, destinée à la recherche sur l’histoire des Afros- Américains. Ils lancent la Negro History Week la deuxième semaine de février 1926 ? En raison de la coïncidence des anniverssaires d’Abraham Lincoln le 12 février et de Frédéric Douglass le 14 février. Deux dates célébrées depuis la fin du XIX° siècle par les communautés noires américaines
Ruddy Roye : When Living is A Protest
27 janvier – 27 février 2024
Galerie Polaris
15 rue des Arquebusiers
75003 Paris
www.galeriepolaris.fr