La Galerie Papillon à Ostende surprend régulièrement son public avec des choix décalés. L’exposition Passages en septembre 2022 choisit deux photographes exceptionnels : Cecilia Paredes et Frederic Fontenoy. Bien qu’ils semblent très différents à première vue, tous deux intègrent dans leurs univers une histoire très personnelle.
Cecilia Paredes, une artiste péruvienne américaine, travaille principalement sur des thèmes tels que la migration et le déplacement. Elle est surtout connue pour sa série Paisajes (Paysages), des photos dans lesquelles elle se fond littéralement et figurativement dans le décor. Une de ses œuvres a figuré à l’affiche de la Quinzaine des Réalisateurs au Festival de Cannes cette année.
Cecilia : Quand j’avais 33 ans, j’ai quitté définitivement le Pérou pour des raisons politiques. Mais le Pérou ne m’a jamais quitté, j’ai un lien fort avec lui, et je suis consciente de tous les conflits politiques qui ont provoqué cette relation d’amour-haine. J’ai vécu la majeure partie de ma vie à l’étranger. Le Costa Rica est aussi un endroit que je peux considérer comme ma maison, car j’y ai vécu pendant 24 ans. Ce n’est que lorsque je suis venue vivre aux États-Unis en 2004 que j’ai commencé à travailler sur des projets relatifs à la migration et à la manière d’aborder de nouveaux territoires. C’est ainsi qu’est née, entre autres, la série Paisajes, une série de photo-performances dans lesquelles je m’intègre au décor au moyen de peintures corporelles. Je m’intéresse à la nature et à la relation de l’homme à la nature. Je suis aussi une personne politique, donc la société et la culture sont imbriquées dans ma réflexion avec des thèmes comme les abus, la dictature et l’écologie. Chico Mendes, un défenseur brésilien de l’environnement qui a été assassiné, a déclaré qu’un écologiste vierge de toute accusation était équivalent à un jardinier. Mon travail dénonce l’injustice de manière poétique et métaphorique, afin que chaque spectateur puisse l’interpréter et le comprendre à sa manière.
Frederic Fontenoy est un photographe parisien. Depuis 2006, il travaille sur des secrets. Dans ses œuvres les plus récentes, une image est même cachée derrière une autre, un peu comme l’Origine du Monde de Courbet, qui a été soustraite à la vue du spectateur non averti pendant des décennies.
Pour tenter de se trouver, Fontenoy arrache tous les volets de son passé familial. Il marche sur les traces de ses grands-parents, du côté de sa mère un grandpère juif qui a dû se cacher pendant la guerre, du côté de son père un excentrique journaliste de Havas qui, comme Tintin, a voyagé de Moscou à Shanghai pour finalement disparaître dans les décombres de la capitale du Troisième Reich, Berlin. Dans son sillage disparaît comme une hallucination lié à l’opium tout un réseau d’intellectuels français de l’entre-deux-guerres. Mais d’autres secrets se cachent dans l’ombre familiale, comme les amants de sa femme Lizica Codréano, une danseuse avant-gardiste roumaine, sans parler des artistes de l’entre-deux-guerres dont le travail est fréquemment référencé dans ces photographies en noir et blanc très stylisées. Ce maître de la narration photographique est-il esclave de son histoire familiale ? Loin de là. Il la façonne à sa guise, s’en défait, ouvre la porte à des perspectives personnelles, met en miroir toute l’histoire du XXe siècle pour créer un univers totalement unique et immédiatement reconnaissable, qui invite et intrigue à la fois.
Passages
3 septembre – 30 octobre 2022,
Galerie Papillon Ostende
Madridstraat 2
8400 Oostende, Belgium
Du vendredi au dimanche de 14h à 18h.
www.galeriepapillon.be