Le 12 juillet, dans le cadre du Grand Arles, la Galerie du Chateau d’Eau de Toulouse, présente Thomas Boivin. Voici le texte qu’a écrit Christian Caujolle.
Thomas Boivin photographie avec affection son quartier de Belleville à Paris dans le XIXe arrondissement. En alternant portraits, paysages et natures mortes, toujours en noir et blanc, il apporte une touche poétique à son travail, tout en s’éloignant des archétypes du réalisme poétique du Paris des années 50.
Pour les amateurs de photographie Belleville évoque immédiatement un livre, le Belleville Ménilmontant de Willy Ronis, publié par la maison Arthaud en 1954 avec une préface de Pierre Mac Orlan, somptueusement imprimé en hélio comme il se doit. Ce parcours dans un Paris populaire du XXème arrondissement de la capitale menant des hauteurs vers la place de la République et qui fut depuis toujours terre d’accueil de nombreux immigrés et lieu de métissage illustre bien l’approche visuelle qui prédominait à l’époque. Terrain de jeu de nombreux photographes, à commencer par Robert Doisneau, Marcel Bovis ou René Jacques il fait partie de l’imagerie d’un Paris immortalisé par une « école française de photographie humaniste » des années cinquante regardée aujourd’hui avec d’autant plus de nostalgie qu’il n’est définitivement plus.
Si le quartier, qui était en très mauvais état avec de nombreux îlots insalubres à l’époque où les pionniers l’arpentaient a été largement rénové, il reste très animé, espace de mixité et espace de rencontres possibles. C’est ce que prouve aussi le travail de Thomas Boivin dont on perçoit immédiatement qu’il a été mené au rythme lent du marcheur en quête de rencontres, de lumières, de matières, d’espaces à cadrer. Un marcheur aux aguets mais qui ne vole aucune image, un marcheur prêt au dialogue pour tenter de réussir un portrait souvent énigmatique, un marcheur dont la chambre photographique est la complice en dialogue avec la lumière.
Thomas Boivin n’est ni journaliste ni documentariste. Il dresse par petites touches le portrait de son Belleville. Celui qu’il vit et ressent au gré de ses déambulations quotidiennes et des rituels qui sont les siens. Il n’a rien à voir avec la tradition de l’anecdote qui continue à séduire chez les photographes des années cinquante. On le rapprocherait beaucoup plus volontiers d’une photographie américaine contemporaine qui se confronte au réel sans se préoccuper de présupposés d’objectivité et qui rend compte de l’émotion – contenue – d’un instant, d’une rencontre, le la surprise devant une forme, devant un « petit rien ». La finesse sensuelle des gris de ses tirages, qu’il réalise lui-même, permet de faire partager ces moments légèrement étranges et qui touchent et font rêver. La plus grande force de la poésie réside souvent dans le fait qu’elle est contenue.
Christian Caujolle, conseiller artistique
Thomas Boivin : Belleville
13 juillet – 27 août 2023
Galerie Le Château d’Eau
2de Galerie
1 Pl. Laganne, 31300 Toulouse, France
https://chateaudeau.toulouse.fr/