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Galerie im Tempelhof : Bob Jones : Beyond me

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La photographe allemande à l’identité artistique éloquente présente une sélection de portraits réalisés entre 2015 et 2021 à la Galerie im Tempelhof à Berlin. Un petit espace pour des travaux nés de performances hautes en revendication dans lesquelles l’artiste se joue allègrement des injonctions sociales.

Une succession de portraits juxtaposés de femmes, ne portant ni vêtements ni maquillage, sur fond neutre, comme pour mettre leurs émotions à nu. Comment dépeindriez-vous instinctivement une femme en colère ? À l’issue d’un long processus d’échanges intimes sur les éléments qui pouvaient les amener à cet état allant jusqu’à l’atteindre, l’artiste aux multiples facettes a souhaité, avec cette série baptisée en français “Colère, ma mère, colère !”, déconstruire les stéréotypes de genre quant à l’appréhension des émotions qui tapissent les imaginaires collectifs.

C’est dans cette perspective qu’elle a troqué son nom – Elisabeth Eichler – pour Bob Jones, participant à semer le trouble entre la chose et son interprétation. “Je vis l’identité comme une construction fluide qui nous permet, mes sujets et moi, d’endosser divers rôles au cours de la performance.” confie-t-elle, interrogeant par le même temps : “Comment les normes sociales affectent-elles la manière dont nous regardons le corps des autres et celle dont nous usons du nôtre ?”

Pour matérialiser la différence de traitement social en fonction du genre et de l’identité, notamment au regard du corps, Bob Jones fait appel, dans ses compositions très picturales, à des artifices en tous genres – spaghettis, fausses herbes en papier servant à décorer les sushis, bonnet de bain, matelas en mousse, etc.-, dénonçant ainsi avec satirisme une féminité gangrénée par les normes sociales. On découvre une succession de portraits à l’analogue aux couleurs contrastées et aux traits affirmés, tour à tour imbibés d’humour et d’amertume, où les modèles jouent de façon extravagante avec leur propre image.

Les photographies issues de “Each face stares” ont pour la plupart été réalisées en 2021 lorsque Bob Jones suivait des cours à l’école de photographie berlinoise Ostkreuz, dans une période encore affectée par la pandémie et donc quelque peu cloisonnée. Ici aussi, les sujets semblent enfermés entre quatre murs, comme opprimés par leur représentation. L’artiste aborde la relation ambigue de la femme à son corps, à travers les thèmes de la grossesse, des mentrualisations ou encore de l’alimentation.

Pour parvenir à cette esthétique théâtrale, l’artiste dépeint des performances à teneur cathartique, dans lesquelles elle laisse une grande liberté à ses modèles dans leur interprétation du sujet. Jones capture différentes séquences des performances dont elle présente ici les prises successives, comme une métaphore du chemin vers l’émancipation de son propre soi.

Dans son installation audiovisuelle “Elle a tout mangé”, Bob Jones se met en scène à travers un personnage fictif “Ella Mangetout”. L’artiste superpose deux vidéos : celle de son visage mangeant vigoureusement un carrot cake avec tantôt du plaisir, tantôt du dégoût, glacée par celle du mouvement de la fourchette, puis de ses doigts, qui s’emparent du gâteau. Cette installation s’adosse au fétichisme de la nourriture, arborée tel un accessoire de mode sur internet. Bob Jones confronte ici les paradigmes de la nourriture et de son propre corps, relégué au rang du consommable, de la nécessité de donner envie et de procurer du plaisir, à tout prix.

Noémie de Bellaigue

 

Bob Jones à la Galerie im Tempelhof (Haus am Kleistpark) jusqu’au 14 avril 2024.

Galerie im Tempelhof
Alt-Mariendorf 43
12107 Berlin

https://www.bobjones.de
https://www.hausamkleistpark.de

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