J’ai photographié le Sud de l’Inde (Tamil Nadu et Kerala) lors de deux séjours en 2010 et 2011. A l’invitation du consulat de France à Pondichéry et de l’Alliance française, j’ai bénéficié d’une nouvelle résidence à Pondichéry en octobre 2022, cette fois-ci pour un travail plus spécifique sur la ville et ses habitants.
J’ai réalisé sur la plage du front de mer toute une série sur les “baigneurs“ indiens, mais j’ai surtout consacré du temps aux pêcheurs et aux gens des ruelles qui vivent dans les rues étroites et labyrinthiques des quartiers qui entourent le cœur de la ville.
J’ai rencontré et photographié des Indiens appartenant majoritairement aux basses castes, dont un pourcentage important de Dalits, ces Intouchables qui sont hors castes. C’est parmi cette population de basses castes que l’on retrouve beaucoup de non-hindous, des musulmans, mais surtout des chrétiens catholiques qui se sont convertis notamment pendant la période coloniale, attirés par le principe d’égalité et l’attention portée aux humbles qui est au cœur de la doctrine chrétienne. Cela ne les a pas libérés pour autant de leur infériorité sociale, même si, dans la société tamoule, et plus largement dans la société indienne, les exemples de réussite sociale et intellectuelle sont nombreux, à l’image du Dr Ambedkar, homme politique lié à l’indépendance de l’Inde, qui fut à la fois un leader des Intouchables et le principal rédacteur de la constitution indienne —avec notamment la suppression des castes inscrite dans la constitution. C’est le seul portrait d’homme politique que j’ai régulièrement vu dans les habitations : ni le mahatma Gandhi, ni Nehru, ni Indira Gandhi, ni Modi…
Dans toutes les maisons où j’ai pu photographier, même dans les plus modestes, on voit, accrochées aux murs ou disposées sur de petits autels familiaux, énormément d’icônes religieuses, parfois avec un mélange fort synchrétique ente l’Hindouisme et le Christianisme : la Vierge Marie côtoie facilement Shiva ou Ganesh.
J’ai photographié des gens modestes mais disposant d’un peu de biens, mangeant à leur faim et soucieux que leurs enfants fassent des études. J’ai photographié également des familles vivant dans des conditions plus difficiles, dans des maisons réduites à une pièce ou deux, sans le moindre confort, où tout le monde s’entasse en dormant le plus souvent par terre sur de simples nattes. J’ai photographié aussi des gens dans l’indigence absolue, souvent de vieilles femmes n’ayant plus de famille, et étant parfois obligées de travailler, malgré leur grand âge, pour réunir quelques maigres sous afin de survivre. Cela dit, la communauté est solidaire, personne n’est totalement abandonné, mais il y a quelque chose de poignant dans le regard de ces femmes vivant parfois dans une simple cabane de branchages ou d’éléments rapportés les plus divers, comme dans un bidonville, avec par-dessus le toit une grande bâche bleue en plastique pour que les pluies de mousson n’inondent pas tout à l’intérieur.
Je n’ai pas voulu faire de reportage en décrivant par le menu détail les conditions de vie de chacun. Ce n’est pas ma manière de travailler. Ce qui se dit à travers ce travail, c’est la diversité des situations à l’intérieur d’une même communauté ; et ce qui s’impose au regard extérieur, c’est la grande dignité de chacun.
Du vaste matériau rapporté, j’ai rassemblé ce qui me semblait intéressant en cinq carnets photographiques, dont l’un consacré aux quartiers des pêcheurs et l’autre aux ruelles des autres quartiers. Ces deux carnets, outre nombre de vues extérieures, comprennent plus de 80 portraits. Je présente ci-dessous une courte sélection de ces portraits.
Thierry Girard
http://www.thierrygirard.com
Ce travail sera exposé à la galerie de l’Alliance française de Pondichéry et en extérieur dans la ville à partir du 17 mars 2023 jusqu’à la fin du mois de mai
Alliance Française de Pondichéry
58, Suffren St, White Town
Pondicherry, 605001, India
www.pondichery.afindia.org