Sur quel ciel s’écrivent mes nuits ?
Nous vivons chaque jour sous un ciel inédit, et dormons chaque nuit d’un sommeil différent. Qui sait si les deux ne tissent pas des liens à notre insu, le ciel du jour imprimant ses couleurs au rythme de notre nuit ? Pour explorer cette relation, j’ai durant plusieurs mois respecté un protocole intangible, photographiant le ciel de chacun de mes jours, et enregistrant l’hypnogramme de chacune de mes nuits. Tous les matins, j’ai réuni en une seule image le ciel de la veille et le graphique de la nuit et indiqué en guise de légende le contexte des deux éléments de l’image (températures, précipitations, heure du lever et du coucher du soleil pour le ciel, et heure du coucher et du lever, temps de sommeil et répartition entre les différentes phases de sommeil pour l’hypnogramme).
Ces graphiques représentent mon propre sommeil, mais ils pourraient en fin de compte être ceux de n’importe qui. Chaque nuit, tout individu possède son propre hypnogramme, scandé par une alternance entre des phases bleu moyen de sommeil léger, comme un lien suspendu à sa conscience, des phases bleu foncé de sommeil profond, comme une plongée dans l’oubli, des phases bleu clair de sommeil paradoxal, comme un voyage au pays des rêves, et des phases rouge d’éveil, comme un tissage entre le jour passé, la présence à ses songes et l’annonce du jour à venir.
Ces petits poèmes visuels, qui gardent leur part d’opacité (la réalité et l’étendue de la relation entre ciel et sommeil conservent leur mystère), signent l’irréductible présence de l’unique dans la routine et la répétition, et l’irruption de la vie et du mystère dans la neutralité des chiffres et des graphiques.
Gaëlle Cueff
