La première confrontation avec les images, présentées par Gabriela Crăciun, est surprenante, voire un peu choquante pour les puristes du tirage photographique. Et puis, après l’interpellation volontaire, mes méninges (ou ce qui en reste !) se mettent à gamberger.
Les photographies sont anciennes ; mais, très soignées. Les résultats d’artisans très professionnels dans leur travail. L’époque, le vingtième siècle. La qualité technique des témoignages est à la hauteur de l’objet à immortaliser : c’était le plus beau jour de leur vie pour ces femmes (du moins, elles le pensaient encore pour nombre d’entre elles), dans un siècle occidental en pleine mutation. Les tirages sur papiers argentiques ont été « chinés », avec méthode et beaucoup d’exigence par la créatrice, dans des lieux où il en reste encore de ces beaux ouvrages.
Belle collection de vintages !
C’est alors que la démarche créative se poursuit avec Gabriela. Pour elle, ce soi-disant plus beau jour, pour les femmes des générations antérieures aux conflits mondiaux, devient le point de départ de leur enterrement social. Elles — disparaissaient des radars de la société — pour se consacrer, en exclusivité, à leur famille. Leur photographie de mariage est devenue la frontière (sans retour) pour toutes ces épouses. Pour défendre son propos, la photographe décide d’intervenir sur ces images avec le plus grand soin pour maintenir le message original de la prise de vue et les interrogations philosophiques et psychologiques. Le témoignage par l’image étant sauvegardé, la broderie additionnelle s’impose alors par la maitrise technique et les choix symboliques de l’auteure.
Pas de doute, l’association fonctionne à la perfection. Pour les perspicaces, je vous invite à prendre le temps de l’observation, de l’immersion et de la réflexion. Aucun doute, les questions succèdent aux questions, à travers des enchainements de réponses qui apparaissent, au fur et à mesure, dans ces devinettes à rallonges, bien plus bavardes qu’il n’y paraissait au premier coup d’œil photographique.
Thierry Maindrault