Lumière
Frank Horvat
Photographier, chacun le sait, signifie écrire avec la lumière. Comme Niépce et Daguerre commencèrent à le faire il y a presque deux siècles, et comme un milliard de personnes, de nos jours, le font avec leurs téléphones portables.
Ce qui dans mon cas (et dans celui de quelques autres) est un peu différent, est que je suis presque plus sensible à la lumière qu’à ce qu’elle éclaire. Au point que j’évite de me servir du flash, parce que je ne peux voir son effet que quand la photo est déjà prise. Et que souvent je renonce à déclencher face à une personne intéressante (ou à un contexte significatif), si l’éclairage ne met pas en évidence cet intérêt (ou cette signification).
Incontestablement, une bonne photo n’est pas qu’une question de lumière, mais aussi (et surtout) de temps. Ou plutôt d’un arrêt du temps. D’où l’instant décisif de Cartier-Bresson. Mais la lumière, justement, est d’autant plus décisive qu’elle est fuyante. Comme le temps lui-même.
C’est pourquoi le soleil de midi me donne moins envie de photographier que les derniers rayons du crépuscule, ou que les taches de lumière et d’ombre sous un feuillage, ou les reflets dans un intérieur, continuellement changeants avec ma position et celle des personnes que je vise.
Et pourquoi les précurseurs de la photographie, telle que je l’entends, ne sont pas tant les peintres florentins du quattrocento, avec leur perspective et leur camera obscura, que le Caravage, avec ses éclairages quasi nocturnes. Et surtout Rembrandt, dans son autoportrait à 22 ans, maintenant au Rijksmuseum d’Amsterdam, où une zone d’ombre, apparemment accidentelle, cache la moitié de son visage. Comme pour nous dire : seules cette joue gauche et cette pointe de mon nez, dont je veux bien vous montrer chaque détail, doivent parler pour le tout.
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