La galerie Polka présente “Virtual Seoul”, la nouvelle série de la photographe Françoise Huguier, lauréate du prix Albert Kahn 2016. Ce travail illustre la Corée d’aujourd’hui dans toute sa singularité et sa diversité. Construite comme une balade ultra colorée dans une capitale virtuelle postmoderne où se rencontrent toutes les générations, l’exposition explore les multiples facettes d’une ville nouvelle aux influences et symptômes avant-gardistes. Elle livre ainsi le portrait intergénérationnel d’une société tiraillée entre traditions et course au développement, comme elle nous le raconte au travers de son expérience :
« En face du musée du design, le DDP, des groupes d’amateurs de K-pop (diminutif de korean pop) se produisent sur des scènes installées devant un shopping mall. C’est gratuit, en plein air. Une foule de tous les âges, bouche ouverte et Ipad dressé, assiste au concert d’un groupe de filles aux cheveux longs, qui se trémoussent en short. Lorsqu’un boys band prend leur suite, c’est l’hystérie.
Je continue mon investigation de la K-pop en allant au stade olympique assister au concert d’un boys band, les B1A4. J’arrive trois heures avant le début pour photographier les fans. Les teenagers sont là très en avance, et nombreux. Ils rivalisent de looks improbables et reprennent en chœur les paroles des chansons. La place de concert coûte, quand même, 60 €, ce sont les parents qui paient. Le groupe fait partie du label WM Entertainment. Leur nom de groupe, B1A4, vient du fait qu’un seul membre est du groupe sanguin B, alors que les quatre autres sont du groupe A. Ils se produisent au-delà des frontières, jusqu’en Europe.
Le succès de la K-pop a commencé à la fin des années 90, partie intégrante de ce que l’on surnomme la vague coréenne, ou « hallyu ». Inspirée des boys et girls bands occidentaux. Elle se développe grâce aux paroles souvent en anglais, aux réseaux sociaux, au soutien du gouvernement qui y voit une opportunité de soft power. Un musée de la K-pop a été crée à Séoul, et l’office du tourisme propose un tour « Gangnam Style », en référence à la chanson de Psy, mondialement connue. Les trois acteurs principaux de l’industrie de la K-pop en Corée, les « Big 3 », sont les maisons de disques : SM Entertainment, YG Entertainment et JYP Entertainment. Appelées localement « agences de talents », elles contrôlent toutes les étapes de la production, possèdent leurs propres shopping malls où sont vendus les produits dérivés et où l’on peut assister à des concerts en 3D.
Je veux à tout prix contacter l’un des dirigeants des Big 3. Mais c’est un peu comme chercher à rencontrer le P.-D.G. de Samsung ou le président de la Corée du Sud… La découverte, chez un disquaire, du CD Petit macaron, du girls band La Boum, sponsorisé par une clinique de chirurgie esthétique, m’inspire. Après trois semaines de négociation avec leur maison de production, j’obtiens la permission de les photographier en studio. J’organise une prise de vue en référence au film Marie-Antoinette, de Sofia Coppola – dans lequel la reine, en Converse, s’empiffre de petits macarons – faisant improviser aux six poupées du groupe une tea party des dames d’honneur de la reine, dans un studio qui ressemble à Versailles. »
Récit de Françoise Huguier
Françoise Huguier, Virtual Seoul
Du 10 septembre au 29 octobre 2016
Polka Galerie
12 Rue Saint-Gilles
75003 Paris
France